Sigur Rós – ‘ÁTTA’

Sigur Rós – ‘ÁTTA’

Album / BMG / 16.06.2023
Post rock orchestral

Une décennie a passé depuis Kveikur. Dix longues années au cours desquelles le trio d’alors s’est enlisé dans des projets annexes (Route One, Liminal et multiples rééditions) ou sans issue (le single avant-gardiste Óveður), et des histoires légales finalement sans éclaboussure. Si l’annonce inopinée d’un nouvel album la semaine de sa sortie a surpris bon nombre de fans, le retour de Sigur Rós en lui-même n’avait rien d’improbable. Réduite à deux de ses membres d’origine après le départ du batteur Orri Páll Dýrason en 2018, la formation s’est discrètement engagée sur la voie de la composition avec le retour d’une personnalité fondamentale dans ses rangs. Officialisée par le partage de quelques photographies de studio l’année dernière, la réunion de Jónsi et Georg Hólm avec leur ancien camarade Kjartan Sveinsson a suffi à lancer la machine à spéculation et promettre une forme de retour aux sources, ce que les quelques titres inédits joués lors de la tournée mondiale de 2022 ont rapidement confirmé.

Comme si l’expérimental Kveikur et son instrumentation chargée n’avaient été qu’une parenthèse, ÁTTA est composé de dix pièces essentiellement orchestrales et vocales qui s’étirent sur près d’une heure de jeu. Le trio a collaboré avec le London Contemporary Orchestra pour un résultat contemplatif et dénué de bouleversements rythmiques et mélodiques, établissant une ligne directe avec Valtari, autre œuvre remarquablement épurée du catalogue des Islandais. Bien qu’ils brillent par leur rareté, les moments d’intensité qui se dégagent de morceaux comme Skel et Klettur ont la carrure pour rappeler la belle ampleur des arrangements grandioses que le groupe maîtrise depuis Takk… et insufflent un peu de dynamique qui ne perdure toutefois pas sur la seconde partie de l’opus, nettement plus posée. La question de l’absence de batteur ayant été réglée par celle quasi totale de percussions, place avant tout aux cordes et à la voix toujours aussi extra-terrestre de Jónsi qui chante en islandais, en vonlenska et jusqu’en anglais la réaction de Sigur Rós aux tensions que le monde traverse depuis des années. ‘At the end of the day, we all die anyway’ lance-t-il sur la pourtant paisible et rayonnante Gold : nous voilà prévenus avec délicatesse. Philosophe plus que politique, et surtout émotionnellement brut plutôt qu’ultra sophistiqué dans sa production par ailleurs relativement uniforme, l’album pris dans son ensemble dégage une ambiance à la fois solennelle et intimiste qui fonctionne parfaitement, pourvu qu’on se laisse emporter par son flot tranquille.

Ses qualités autant que ses défauts font de ÁTTA un disque qui ne s’adaptera pas à un grand nombre de contextes d’écoute. S’il n’y a plus crescendos tourmentés et variations instrumentales prenant aux tripes pour retenir l’attention, ce huitième album délivre une autre forme de catharsis, loin de l’exutoire épique et bien plus proche de l’écoute méditative dans un environnement sonore familier et rassurant. L’époque où Sigur Rós éblouissait le monde par son approche unique de la musique est donc probablement passée, mais la question n’est pas tant de déceler à tout prix des marques de renouvellement ou, à l’inverse, des évidences de paresse artistique. Pour l’heure, voir l’un des groupes les plus marquants de sa génération revenir dans un appareil aussi simple que beau a tout le potentiel pour faire frissonner plus d’un auditeur, et c’est bien là l’essentiel.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Klettur, Gold, Skel


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