Chalk – ‘Conditions II’

Chalk – ‘Conditions II’

EP / Nice Swan / 01.03.2024
Post punk electro

Mes cauchemars sont toujours noyés, inondés de soleil et je hais les régions méditerranéennes justement pour cette raison. […] Quand je vois un ciel infini sans nuage, je me dis, tiens, c’est peut-être la fin de notre planète‘. Cette confession d’Ingmar Bergman donne peut-être la clé de son usage somptueux et terrible du noir et blanc, l’esthétique du contraste par excellence. Les membres de Chalk nous l’avaient confié lors d’une rencontre récente : le cinéaste suédois est l’inspiration principale de leurs clips, lesquels, tout comme leur musique, opposaient également et jusqu’alors, violemment, lumière et obscurité, refusant tout autant l’engouement naïf et total des lendemains qui chantent que l’attrait morbide du désespoir. Dix mois ont beau nous séparer de la publication du premier EP du groupe de Belfast, ses chansons – tout comme l’univers visuel accompagnant certaines d’entre elles – continuent d’avoir aujourd’hui le même impact : un véritable cataclysme sonore laissant émerger, aux moments les mieux choisis, de purs instants de contemplation apaisée, au croisement de l’électro, de l’indus et du punk, et faisant jaillir des phrases mémorables dont on ne finit pas de vouloir percer le sens (‘I have been asking for a friend / There is no limit. There is no end / I rest my head on his shoulder/I’ll see you later/ When we get older‘). On pensait à DITZ en écoutant Static ou Vélodrome, mais on remarquait également une volonté de diversifier les atmosphères en présentant, avec Conditions, un titre plus aérien, dont la progression, ascensionnelle, semblait n’avoir d’autre but que de renforcer notre confiance en l’avenir.

Conditions II, le second EP de Chalk, creuse un peu plus cette dernière direction. The Gate, le premier single paru au mois de décembre, se rattache à la direction prise par les premiers morceaux des Irlandais du nord en recourant à une rythmique impitoyable autour de laquelle jaillissent les sirènes hurlantes des guitares et des claviers. Mais 40 secondes avant la fin, toute cette agitation hypnotique s’arrête pour laisser s’installer bruitages et voix étouffées. On remarque alors, à nouveau, le souci de Ross Cullen (chant), Benedict Hardie-Goddard (guitare/clavier) et Luke Niblock (batterie) de ne pas céder trop facilement aux attentes du public en forçant celui-ci, au moment même où il s’attend à une forme de paroxysme, à expérimenter une forme d’attente angoissante, le conduisant à s’interroger sur la nature de ses propres désirs. On peut alors se douter que la suite ne va pas enfoncer les portes ouvertes des évidences. Claw, le second single, prend un virage nettement plus électro, arrondissant le rythme en le libérant de l’environnement affolé et brutal dans lequel il évoluait jusqu’alors chez Chalk. Cela permet d’ouvrir sur la seconde partie de l’EP, qui reprend en l’approfondissant les textures atmosphériques de Conditions. Kevlar bascule dans l’ambient et fait ressortir magnifiquement la voix profonde de Ross Cullen, avant que Bliss, ouvert et lumineux, donne de l’espoir dans une ambiance sonore à la New Order. Sur ce dernier titre, Fears (le projet de la musicienne et productrice Constance Keane) apporte la douceur recherchée, et voit Chalk prendre des couleurs, marquantes car inédites dans le clip l’accompagnant.

Les Belfastois, de façon surprenante – mais on n’en attendait pas moins d’eux-, nuancent ainsi leur esthétique en noir et blanc au fur et à mesure que leur musique, en s’assouplissant et en se ralentissant, découvre dans ses plis l’infinie richesse de mondes ignorés jusqu’alors. Relativisant les dualités et tensions des débuts en affinant sa sensibilité, Chalk semble ainsi nous inviter à retarder la fin du monde en laissant éclore la beauté des sentiments.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Claw, Bliss

EN CONCERT

Tags:
,
Pas de commentaire

Poster un commentaire