Bryan’s Magic Tears, les copains d’abord

Bryan’s Magic Tears, les copains d’abord

Forts de 4AM, un nouvel album globalement salué par la critique depuis sa sortie, les membres de Bryan’s Magic Tears ont sillonné les routes pour défendre corps et âme – mais surtout scéniquement – ce disque brumeux, romantique et puissant à souhait qui ne cesse encore aujourd’hui d’hanter nos journées et nos nuits. Ainsi donc, et pour percer un peu plus les mystères autour de la confection de ce deuxième album, nous sommes allés à la rencontre de Benjamin et du reste de la bande. On a discuté avec eux de leur nouveau rayonnement médiatique, de leur rapport naturel avec le label Born Bad Records, de l’image d’éternels adolescents qui leur colle à la peau, mais aussi de leur envie de changements pour le futur du groupe…

Il s’est passé trois ans entre votre premier album et 4AM, sorti il y a maintenant quelques mois. On sent qu’un cap énorme a été franchi musicalement entre les deux, comme un truc qui se serait bonifié. Il y a plus de profondeur et d’épaisseur, autant dans la mélodie que dans la force des riffs. Que s’est-il passé en trois ans ? Est-ce qu’il y a eu des rencontres en particulier ou des déclics qui ont provoqué ce changement ?

Benjamin : En fait, si on devait résumer, le premier album était un peu comme une sorte de compilation de morceaux enregistrés à l’arrache dans ma piaule. Mais après, avec les concerts et le fait que notre live se soit un peu plus étoffé, on s’est dit que ce serait bien d’en enregistrer un qui soit plus fidèle à ce qu’on fait sur scène. Du coup, on est allé dans un vrai studio, avec de vrais ingé-son. Le premier album, il avait fallu l’adapter pour le jouer sur scène, parce qu’il était très lo-fi dans le son, alors que 4AM reflète vraiment ce qu’est Bryan’s Magic Tears en live.

Du coup, bien que tu sois la tête pensante à l’origine du projet, c’est vraiment le travail de tous, en groupe, qui a permis d’aboutir à ce résultat ?

Cet album, j’ai commencé à l’écrire seul à la base, mais effectivement je l’ai écris en fonction du groupe et de comment chacun des membres allait jouer dessus. Et à l’inverse du premier qui avait été principalement écrit et enregistré en solo, là il y avaient certains morceaux qu’on avait déjà plus ou moins travaillé ensemble. Donc, au final, c’est surtout au niveau des arrangements que le travail de groupe a eu de l’impact.

Et comment s’est faite la rencontre avec JB du label Born Bad ? C’était une évidence de bosser avec lui ?

C’est toujours cool d’être sur un label comme Born Bad, parce que ce sont de supers distributeurs et que, en plus, ils accompagnent le projet financièrement. Après, la rencontre avec JB tu sais, quand t’es dans le truc un peu incestueux de Paris et que tu fais un groupe de rock qui marche pas trop mal, il met souvent son nez dedans. Ça s’est fait assez naturellement pour dire vrai. On n’est pas allé le chercher et lui pareil. La rencontre s’est faite parce qu’on évolue dans les mêmes cercles.

Qu’est-ce que ce nouvel album a apporté au groupe et à chacun de vous depuis sa sortie ? D’un point de vue médiatique, mais aussi personnel…

Mehdi : Enormément d’argent !
Paul : Enormément de dettes, tu veux dire ! (rire général)
Benjamin : Déjà, il y a forcément un rayonnement médiatique qui est dû à Born Bad. Eux te fournissent le socle, et si ça prend avec un ou deux médias, ça prend avec tout le reste. Et comme le disque a pas mal plu, ça a rayonné plus globalement.
Lauriane : Et puis ça nous a surtout permis de jouer un peu plus, notamment sur de grosses scènes.
Benjamin : Grave ! Vu que c’est un album un peu plus sérieux, qui montre vraiment ce que ça peut donner en live, je pense aussi que ça nous a ouvert pas mal de portes de ce côté là.
Mehdi : Et une fois de plus, pour en revenir au label, dès qu’une date est estampillée Born Bad, les gens se bougent. C’est un gage de qualité en quelque sorte.
Benjamin : C’est notre label rouge à nous ! (rires)

4AM fait toujours appel au bon souvenir de groupes comme Pavement, Silver Jews, Dinosaur Jr, My Bloody Valentine… La liste est longue… Mais on sent aussi, beaucoup plus cette fois-ci, des influences plus diverses, notamment krautrock en sous couche sur le titre Change, voire même des airs de dub et de hip-hop comme sur Sweet Jesus qui sonne un peu comme Screamadelica de Primal Scream.

Lauriane : Screamadelica, c’est un disque que je mettais souvent en after et je pense que ça nous a pas mal influencé effectivement.
Benjamin : Mais justement, moi j’avais bien envie d’avoir un morceau un peu classe comme ça, avec une grosse boucle de batterie, un peu à la Happy Mondays ou à la Screamadelica comme tu dis.

Justement, est-ce que vous voyez à l’horizon d’autres virages que votre musique pourrait prendre ?

Mehdi : A l’horizon, c’est à dire ? En 2020 ?
Paul : Tu parles peut-être de l’horizon 2022 ? Les élections présidentielles ? Parce qu’en terme d’horizon, moi je préfèrerais jouer pour les JO de l’horizon 2024. (rire général)
Benjamin : Plus sérieusement, je pense que le prochain album sera très différent des précédents.

Tu as déjà des idées ?

Ouais, j’ai commencé à écrire quelques morceaux déjà. Il y aura toujours ce truc latent, mélancolique et adolescent, mais j’aimerais bien que ça soit moins référencé aux 90’s. Pas parce que ça me gêne, mais tout simplement parce que tu ne peux pas faire trois albums qui sonnent comme ça. Faut enrichir le truc et éviter les clins d’œil évidents.

Là, on parle carrément de recherche d’identité sonore non ?

Ouais, c’est un peu ça en effet. En tous cas, j’y pense en ce moment, et je crois qu’à l’avenir je vais écrire un peu moins tout seul, pour que les autres puissent mettre encore plus leur grain de sel là dedans. Ça donnera forcément un truc plus riche.
Lauriane : On a d’ailleurs prévu de partir cet été au Pays Basque, dans la maison du père de Raphaël, pour justement essayer de composer ensemble.
Benjamin : Ce sera une phase test.
Paul : Moi, je suis pour qu’on pousse encore un peu plus loin l’improvisation en groupe. Parce qu’à chaque début de répétition, on se branche et t’as toujours une personne qui va faire quelques notes là comme ça et, à partir de là, on se retrouve tous à improviser dessus pendant quinze minutes. Et souvent, ce qui en ressort est hyper cool ! Du coup, le but serait aussi d’enregistrer ces moments là.
Benjamin : Justement, le morceau Change qui figure sur le dernier album a été le premier composé un peu de cette manière. Il y avait une base, que j’apporte toujours, mais tout le monde a mis du sien dans ce morceau par la suite.
Mehdi : A ce moment là, on voit comment ça roule et on essaye de structurer le morceau ensemble. C’est ce qu’on va essayer de faire à l’avenir en tous cas.
Benjamin : Si je continuais à tout faire tout seul, je tournerais en rond. Et avec Bryan’s Magic Tears, on est quand même un groupe de potes, c’est pas un backing band, donc tout le monde doit s’y retrouver.

Avant de vous rencontrer, j’ai relu quelques anciennes interviews de vous, et il y a un truc qui revient souvent, c’est cette image d’ados déprimés qui mangent des Cheerios et regardent des dessins animés. Ça vous fait pas chier cette image ?

Le problème, c’est surtout que ‘déprimé’ est un mauvais terme. Le vrai mot juste, c’est ‘mélancolique’, ce n’est pas la même chose. Et puis ce truc de la mélancolie se caractérise principalement dans la musique, ce n’est pas un état dans lequel je suis moi personnellement tous les jours. Je l’extériorise via mes morceaux, et il auront toujours cette couleur là je pense. Je sais par exemple que je ne pourrais jamais faire du gros rock de mec vénère, ce n’est pas moi ça.
Mehdi : Je crois qu’on est tous un peu comme ça dans le groupe non ? J’ai l’impression qu’il y a toujours eu chez nous une forme de mélancolie et un fond de romantisme un peu triste.
Paul : Peut-être parce que les chansons viennent de Benjamin surtout. Moi, je suis content que tu poses cette question parce que je ne me reconnais pas du tout dans tout ça. Par exemple, tout à l’heure tu citais un groupe comme Pavement. Perso, je serais totalement incapable de te citer ne serait-ce qu’une chanson d’eux. Et sur l’image de l’adolescent mélancolique, je comprends le délire par rapport à la musique, mais à part ça, bof bof quand même.

C’est peut-être tout simplement de la nostalgie tout ça, tu ne penses pas ? En écoutant votre musique et en vous voyant, peut-être que les gens se remémorent des choses qu’ils ont aimé, et notamment dans les 90’s du coup.

Ouais peut-être…
Lauriane : En tous cas, peut-être que ça leur rappelle des choses à eux mais, en vérité, ce ne sont pas les nôtres, nous n’avons pas forcément toutes ces références à la base. Mais après, tant mieux si ça leur évoque quelque chose qu’ils aiment.

Faire un groupe de rock aujourd’hui, est-ce qu’il y a encore un enjeux ? Qu’est ce qui reste à un groupe de rock aujourd’hui pour kiffer ?

Benjamin : JB te dirait ‘on en chie putain, qu’est ce qu’on en chie‘ (rires) ! Et je pense qu’il a raison parce qu’il y a quelques années, il y a eu un regain du rock, mais c’est vrai que maintenant la mayonnaise semble retomber.

J’avais rencontré un jour les gars de Cannibale, autre groupe de l’écurie Born Bad, et j’avais eu une discussion avec eux sur le rock et le hip-hop, l’aspect cyclique des tendances qui changent et s’inversent. Quel est votre avis là dessus ?

Je suis assez d’accord, c’est totalement ça, c’est cyclique.
Paul : En gros, tu as eu une période avec les Strokes, puis quelques années plus tard une autre mouvance avec les Black Lips, puis après il y a eu une vague garage avec Ty Segall et Thee Oh Sees. On sent tous ça, cet aspect cyclique comme tu dis. Mais bon, on n’est pas non plus les plus à plaindre.

Et vous diriez quoi justement à un groupe de jeunes qui voudraient commencer à faire de la musique ?

Lauriane : Quand j’ai commencé à faire de la musique, je ne pensais pas forcément faire du rock, je voulais juste faire de la musique. C’est aussi simple que ça, et ça doit partir de là.
Mehdi : Je dirais ‘vas-y mon gars, kiffe‘ ! Le message pour les jeunes c’est ‘allez-y à donf‘ (rires) !
Paul : Pas mieux

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