Coups de bulles en Mai – l’actualité BD

Coups de bulles en Mai – l’actualité BD

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En Mai, fais ce qu’il te plaît. Chez Mowno, on a pris le dicton à la lettre, et on inaugure une nouvelle rubrique mensuelle dédiée à la bande dessinée. Il n’est pas déraisonnable d’espérer que, si vous aimez les disques que nous chroniquons, nous partagions alors davantage que de simples goûts musicaux. Chaque mois, nous vous proposerons ainsi une petite sélection des livres qui ont retenu notre attention. Bien sûr, cette rubrique ne se veut aucunement exhaustive ni objective (ni même spécialement experte). L’industrie de la BD étant aussi riche et variée que sa cousine du disque, nous devrons donc faire des choix. Ceci dit, comme nous essayons de chroniquer aussi bien des disques de punk rock, d’electro-hiphop, de blues tamashek ou de soul psychédélique, nous nous efforcerons d’aborder diverses esthétiques du 9ème Art: du roman graphique à la BD historique, en passant par l’humour et le polar (amateurs de heroic fantasy et de manga, vous risquez quand même de ne pas trop vous y retrouver, sorry ‘bout dat!).

bd12The Zumbies,
Lindingre & Julien/CDM
Fluide Glacial
48 pages
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Commençons néanmoins cette nouvelle aventure journalistique en terrain familier avec une BD au fort goût de… wock’n’woll! “The Zumbies” est le premier tome d’une série réalisée collégialement par plusieurs auteurs de l’écurie Fluide Glaciale. Bon, le scénario n’est pas le truc le plus fouillé de la Terre. Jugez par vous-même: suite à une erreur médicale, un gentillet groupe de variété meurt et renaît quelques jours plus tard en méchant gang de rock graisseux. Mais la méchante Église toute-puissante compte bien empêcher nos rockeurs de rocker en rond. Toute ressemblance avec un festival de métal à qui les ultra-conservateurs de ce pays cherchent à mettre des bâtons dans les trous est une pure coïncidence. Bref, sex, drugs, rock’n’roll, morts-vivants, cannibalisme et hémoglobine sont au menu de cette histoire en verdâtre (comme les ectoplasmes?) et rouge (comme le sang!). Les clins d’œil aux Cramps, aux Ramones et à Screamin’ Jay Hawkins devraient vous situer un peu l’ambiance. Sûr qu’il faut mieux goûter l’humour potache (y a quand même quelques passages super drôles) et les séries Z de zombies pour rentrer dans le trip des auteurs. Mais si c’est le cas vous pouvez suivre sans trop de peur l’odyssée de ces Zumbies, tout en espérant que la suite soit un poil plus enlevée.

bd31Melo Bielo,
Besseron & Felder
Editions Desinge et Hugo & Cie
22 x 29 cm
72 pages
www.hugoetcie.fr
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On a tous nos petites perversions. Celle d’André, chauffeur poids-lourd, c’est le tennis féminin slave. Les perversions, c’est comme la famille, on les choisit pas toujours. Sorti en début d’année, “Melo Bielo” (pour Mélodrame Biélorusse) raconte donc les pérégrinations de ce routier sympa, chargé de livrer un beluga à Minsk et mille friteuses à Bruxelles. Rien ne le prédestinait donc à se retrouver embarqué dans une sombre histoire de contrebande, pleine de mafieux psychopathes, de vodka, de “baisers de la mort”, d’agents d’Interpol infiltrés et de tenniswomen sexy. Cette BD se lit super vite (un peu trop même) et est finalement moins prévisible que son dessin un peu naïf le laisserait supposer. De jolis contrepieds dans la narration et quelques gags hilarants nous feront même probablement y retourner. “Mais d’abord… Vodka !!”

bd4L’empoisonneuse,
Meter & Yelin
Actes Sud – L’An 2
19 x 24 cm
200 pages
www.editionsdelan2.com
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On change radicalement d’ambiance avec “L’empoisonneuse”. Direction l’Allemagne, en avril de l’année 1831. Une jeune femme arrive dans la ville de Brême – dont la réputation libérale fascine le reste du pays – avec la mission d’écrire un guide touristique pour le compte d’un éditeur reconnu. Elle ne s’attend donc pas à tomber nez à nez avec un échafaud en construction sur la place principale. Pourtant, la ville entière veut la tête de Gesche Gottfried. Accusée d’avoir empoisonné à mort une quinzaine de personnes (dont ses enfants, ses deux maris, ses parents, des amis…), cette femme à la personnalité complexe a fait sombrer tous les habitants de Brême dans la paranoïa aiguë. Rapidement, les destins des deux femmes se retrouvent liés. Et les mœurs soi-disant libérales de Brême se transforment très vite en misogynie petite-bourgeoise. Basé sur la véritable histoire de Gesche Gottfried, surnommée à l’époque “l’Ange de Brême”, qui traumatisa littéralement l’Allemagne dans les mêmes proportions que l’affaire Landru en France, ce récit de Peer Meter nous plonge dans les noirs tréfonds de l’âme humaine. Comment réagir face à la monstruosité? Doit-on devenir plus monstrueux encore? Ne créons-nous pas nous-mêmes les monstres qui nous entourent? Dans un joli nuancier de gris réalisé au fusain et au crayon de papier, le dessin de Barbara Yelin trouve des angles de vues originaux pour illustrer cette froide et humide descente aux enfers. Brrrrrrr…

bd51We are the Night T1,
Ozanam & Kieran
Ankama Editions
19 x 27 cm
80 pages
www.ankama-editions.com
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Largement inspiré du principe de l’histoire chorale, comme par exemple dans le film “Collision” ou ceux du mexicain Iñarritu (“Amours Chiennes”, “21 Grammes”, “Babel”…), le premier tome de “We Are The Night” suit un personnage dans la nuit lyonnaise jusqu’à ce qu’il croise par hasard le chemin d’un second, qu’on se met alors à suivre, etc. etc. Vous commencez à connaître le principe: tout ce petit monde (19 personnages en tout!) va forcément finir par interagir. Entre l’alcoolique déprimé, le vieux flic mystique, le cocu revanchard, les apprentis braqueurs, la suicidaire, le flambeur homo, la vendeuse de fringues remontée, l’adolescente qui veut perdre sa virginité, le taxi clandestin et l’arnaqueuse sexy, il y a déjà largement de quoi tricoter une intrigue machiavélique. Dommage qu’il faille attendre un an pour avoir la suite et fin, parce que ça s’arrête un peu comme un épisode de 24H Chrono! Il est donc peut-être plus sage d’attendre avant de donner un avis définitif sur cette BD. Mais ça commence quand même pas mal du tout. Mentions spéciales aux couleurs et à la lumière vraiment superbes. Les mélomanes que vous êtes seront également ravis des clins d’œil à Leonard Cohen, The Doors, Lynyrd Skynyrd ou Bob Marley. La suite, vite!

bd6Essex County,
Jeff Lemire
Futuropolis
17 x 22,5 cm
496 pages
www.futuropolis.fr
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Dans “Essex County” aussi, les destins des personnages sont liés. Mais c’est moins systématique. Ou plus subtil. Jeff Lemire est devenu un auteur culte depuis la parution de cette trilogie outre-atlantique, ici agrémentée de deux histoires courtes indépendantes (ou presque, puisqu’elles sont incorporées dans le cours de l’histoire générale sans en gêner la compréhension). Lemire raconte les drames ordinaires de quelques habitants du comté de l’Essex, coin perdu dans l’immensité de l’Ontario canadien. Tandis que l’auteur nous ballote entre le présent et le passé, le puzzle se reconstruit tout doucement sous nos yeux. Tous ces non-dits au travers des âges ont fini par gangrener la vie de trop de gens et il faudra bien qu’un jour quelqu’un daigne crever l’abcès. “Essex County” porte le 9ème Art à son paroxysme. Il peut s’inscrire dans la tradition de la grande littérature nord-américaine de l’après-guerre (John Steinbeck, Tennessee Williams…) et on n’imagine sans mal quel grand film cela pourrait donner (on pense parfois au “Paris, Texas” de Wim Wenders). On ne va pas épiloguer plus longtemps: ce livre est un véritable chef d’œuvre que vous vous devez de lire toutes affaires cessantes. Ses 496 pages se dévorent d’une traite. Grosse grosse calotte.

bd7Peu de gens savent,
Larcenet
Editions Les Rêveurs
19 X 24,5 cm
332 pages
www.editionslesreveurs.com
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Il y a quelques personnes, étrangères au monde musical, qu’on  rêve d’interviewer pour le simple plaisir de les rencontrer: Albert Dupontel, Nick Hornby, Jean-Pierre Bacri, Alain Chabat… Et Manu Larcenet. Tous les albums qu’on a lus de ce type nous font penser que c’est quelqu’un de bien et d’intéressant. Que cela soit le récent premier volume de son polar métaphysique “Blast”, ou les excellentes séries “Le retour à la terre” et “Le combat ordinaire”, aussi drôles qu’émouvantes. On sait le bonhomme du genre superproductif. On est donc à peine étonné de voir sortir “Peu de gens savent”, un immense recueil de dessins orphelins, noircis compulsivement chaque soir pendant deux ans alors qu’il travaillait à d’autres projets. Les réunir simplement n’aurait pas donné grand-chose. Larcenet a donc effectué un gros travail d’écriture, rédigeant un texte pour éclairer chaque dessin. Est-ce parce qu’il se doute que ce livre n’aura pas le même succès commercial que ses best-sellers, toujours est-il que le bonhomme se lâche bigrement question humour corrosif. Tout le monde en prend pour son grade: les religions, les femmes, l’art contemporain, les serials-killers, la famille, les pédophiles, les animaux, les enfants, etc. Et c’est souvent à mourir de rire, surtout si vous aimez le comique absurde façon Monty Pythons. Et comme les Editions Les Rêveurs tiennent à honorer leur nom,  le livre est d’un luxe quasi indécent (dos toilé, papier super épais, calligraphie classieuse, couleurs sublimes…). Le petit plaisir de printemps à vous offrir!

Bonne lecture et au mois prochain!


4 Commentaires
  • Jm
    Posté à 13:19h, 29 avril Répondre

    Ha ça c’est cool, de la Bande Dessinée sur Mowno!
    On peut proposer des chroniques?

  • Docteurvander
    Posté à 06:55h, 30 avril Répondre

    Super idée que ces chroniques BD. Vous êtes des personnes de gout, alors c’est vrai quoi, pourquoi pas parler BD et surtout nous aider à faire le tri dans la production éneuuuurme de ces derniers temps! 🙂

  • Alexetrok
    Posté à 20:51h, 14 mai Répondre

    ah bravo, comment se faire offrir gracieusement des BD par les éditeurs, bien joué!!

  • Bob le chevelu
    Posté à 21:13h, 20 mai Répondre

    Excelente initiative la chronique bédé.
    A quand l’interview de Larcenet?

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