Une semaine dans le bendo – Une grande cuvée de rap français

Une semaine dans le bendo – Une grande cuvée de rap français

Le bendo, c’est le quartier, celui-là même où le hip-hop fait résonner ses paroles et ses flows depuis plus de trente ans. Mais, aujourd’hui, c’est la France entière qui vit au rythme de ses rappeurs. Alors, pour tous les amateurs de cette ‘sous-culture d’analphabètes’ chère à Eric Zemmour, on se mouille la nuque, on prend une grande respiration, et on plonge dans cette semaine agitée de rap français.

Non, Nekfeu n’est pas le seul à avoir sorti son album cette semaine. Le vendredi 7 juin a même généré l’une des meilleures récoltes rap français de l’année, avec le double album de Guizmo et le retour de Tito Prince, notamment. Cela vient confirmer le fait que l’année 2019 est sans conteste l’un des meilleurs millésimes du rap hexagonal, après seulement six mois. Derrière les albums des mastodontes Ninho, PNL et donc Nekfeu, nos oreilles ont déjà pu s’enivrer des projets de Koba laD, 13 Block, Shay, Zola, Jok’Air ou Hamza. Si la profusion des grands opus de rap français les rend un peu moins appréciables puisque plus éphémères, l’auditeur n’a que l’embarras du choix pour se concentrer sur quelques-uns d’entre eux.

Un GPG 5 de plus d’une heure et demie

Tous deux issus de L’Entourage, Nekfeu et Guizmo faisaient partie des meilleurs MCs du collectif qui comptait pourtant des kickeurs tels qu’Alpha Wann, Jazzy Bazz ou Deen Burbigo. Après une embrouille qui a vu Guizmo quitter la bande, et quelques piques envoyées entre les deux rappeurs, la hache de guerre est désormais enterrée, et le Guiz’ peut retourner à ce qu’il sait faire de mieux : délivrer ses lyrics authentiques et dépressifs. C’est d’ailleurs son domaine de prédilection depuis le début de sa carrière relatant ses sombres histoires de famille et de potes, avec une sincérité telle que sa voix, déjà abîmée par la Heineken et le shit, en est meurtrie.

Il n’y avait donc aucune raison pour que le rappeur ‘détruit par la vie’ change de discours. On pourrait même croire que c’est impossible pour lui, tant son besoin de délivrer ses histoires tristes est vital, en témoignent les 29 titres de GPG 5, autant d’exutoires désenchantés. Toutefois, Guizmo sait changer son fusil d’épaule, juste assez pour que chaque album oppressant comporte des bouffées d’air frais. Ainsi, des titres plus festifs laissent place à une version plus lover du rappeur, bien aidé par un charisme rappelant ses plus grands prédécesseurs. Mais, on ne va pas se mentir, on aime Lamine Diakité pour son vécu romancé. Des titres comme 92, Danser ou Le Bruit et l’Odeur, portés par des productions bien ficelées, entrent directement dans le best-of de l’artiste.

Lala &ce, un charisme du futur(e)

Derrière les grosses sorties se cachait aussi une petite bombe qui pourrait bien faire office de surprise rap de l’année. Le Son d’Après est un bijou de style et de nonchalance signé Lala &ce (prononcer Ace), rappeuse du mystérieux collectif 667 et fan de Serena Williams. Et, comme ses talentueux compères, elle ne déçoit pas en proposant un son frais. L’artiste fait en effet naviguer sa voix suave entre cloud, trap et mumble rap pour nous emmener sur un océan de phases incroyablement entraînantes et parfaitement maîtrisées. S’il fallait décrire sa musique si atypique, ce serait un mix planant entre Future et Syd the Kid, l’androgyne du groupe The Internet et du collectif Odd Future. J’avoue que la tendance lesbienne, d’ailleurs entretenue par Lala &ce sur le projet, facilite cette comparaison. Mais le fait est que les paroles souvent sexuelles se mêlent à une ambiance hors du temps, comme une capsule sombre rythmée par des murmures de lean et de cocaïne. En somme, un projet lourd et homogène qui suscitera sûrement beaucoup d’attente autour du ‘son d’après’ de la rappeuse.

Tito Prince monte en gamme

Une énergie folle, des paroles évangélistes, du story-telling d’élite et un flow quasi américain : Tito Prince a, depuis le début de sa carrière, tout pour plaire aux amateurs de bon rap. Ses trois projets Un Prince dans un HLM, Toti Nation et Toti Nation II l’ont installé sur la carte du rap, au point qu’un artiste reconnu comme Youssoupha lâche dans un de ses sons que son successeur est Tito Prince. Seul petite tare qu’il possède : sa propension à vouloir toujours chanter et à proposer des variations de voix. On retrouve cette volonté sur Un Roi dans un HLM, son nouvel allbum, mais le talent du bonhomme peut bien racheter tous ses faux pas.

Les clips de la semaine

Dosseh délivre le clip de l’un des meilleurs morceaux de la réédition de son Vidalo$$a avec Boîte à Shoes, dans lequel il lâche du lourd : ‘J’viens sabrer les têtes et les Veuve Clicquot !‘.

Après Mercy et Jean Reno, Hayce Lemsi revient avec un troisième extrait de son troisième album. Intitulé Gennaro, le son est un condensé du flow énervé du rappeur.

Chilla a ramené tous ses potes noirs et s’est fait des tresses pour essayer de convaincre les auditeurs qu’elle est crédible. Tout ça pour un titre appelé Jungle

L’émission Rap Jeu, présentée par Mehdi Maïzi, continue, et le quatrième épisode de ce Burger Quiz du rap accueille Seth Gueko et Sadek pour une bonne demi-heure d’humour.

Allez, on enlève les baskets, on remet ses boots et son cuir, et à la semaine prochaine dans le bendo !

Salade Tomates Oignons, la playlist rap français de Mowno, est à retrouver ici


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