18 Sep 19 Une semaine dans le bendo – Mental de fer exigé
Le bendo, c’est le quartier, celui-là même où le hip-hop fait résonner ses paroles et ses flows depuis plus de trente ans. Mais, aujourd’hui, c’est la France entière qui vit au rythme de ses rappeurs. Alors, pour tous les amateurs de cette ‘sous-culture d’analphabètes’ chère à Eric Zemmour, on se mouille la nuque, on prend une grande respiration, et on plonge dans cette semaine agitée de rap français.
Après une semaine conséquente en termes de sorties rap, le vendredi 13 septembre aurait pu sonner creux pour la scène française. Il n’en est rien puisque des pointures comme Kery James, Vald ou PLK ont décidé de sortir de leur relatif silence. Booba a même régalé ses fans avec le clip de Glaive. Nos gros artistes n’ont donc pas fini de faire parler en cette fin d’été. Mais l’étincelle de la semaine, l’une des plus belles preuves de l’amour passionnel que l’on peut vouer au rap, vient d’un certain DJ du sud.
Les yeux de Pone sont le reflet de l’art
Longtemps oublié de l’industrie, Guilhem Gallart demeure depuis plusieurs années paralysé dans un lit d’hôpital. Atteint de la maladie de Charcot, il balaie un écran de ses yeux pour parler, écrire, partager sur les réseaux sociaux, et créer. Car M. Gallart n’est autre que Pone, le DJ de l’un des plus grands groupes de rap français, la Fonky Family. Depuis janvier, il a repris la musique, composant des centaines de beats avec toujours la même patte, celle qui rythmait les morceaux du Rat Luciano, de Sat l’Artificier, de Don Choa et de Menzo.
Sans évoquer l’exceptionnelle force mentale de Pone et de ses proches pour affronter l’annonce de la maladie et l’acceptation de la tétraplégie, le fait de n’avoir rien lâché en dit long sur l’homme, représentatif de la culture hip-hop et de sa volonté sans limites. Le DJ a su extraire la sève de ses morceaux composés de son lit pour en faire un album instrumental de 11 titres. Les mélodies électro transpirent toutes l’émotion que Pone a mis dans son oeuvre, dès It’s me Cathy, le premier morceau. Les samples, qu’ils proviennent d’une musique ou d’un film, achèvent la construction de cet album. Kate & Me est un formidable témoin de la culture hip-hop, dont le coeur bat toujours grâce à des passionnés, dont l’âme est, au moins cette semaine, reflétée par les deux yeux bleus de Guilhem Gallart.
Un PLK décevant sur mixtape
Après le succès de Polak, sorti l’année dernière, PLK s’était établi comme un rappeur capable d’ambiancer, de cracher de gros flows, de chantonner, de délivrer de bonnes paroles ou de potentiels hits. Sur Mental, le rappeur du Panama Bende se repose clairement sur ses lauriers, ne délivrant qu’une très pâle copie de son album. Le talent du bonhomme ne s’efface évidemment pas, en témoignent les bons titres Intr100000, Mental ou encore TT. Mais les auditeurs étaient en mesure d’attendre mieux d’un jeune artiste qui peut tout faire, et tout faire mieux. La comparaison avec l’histoire de Pone ne joue pas non plus en sa faveur, PLK ne prônant que l’argent pendant une heure, ainsi que le travail et la réussite individuelle. Un discours égoïste qui reflète la mentalité d’une frange de jeunes rappeurs qui ne voient dans le hip-hop qu’un moyen de faire fortune, vidant ce dernier de sa substance, le tuant à petit feu. L’artiste d’origine polonaise peut néanmoins surfer sur la vague anti-flics avec le clip Un peu de haine.
Le sombre journal de Vald
A l’image d’Aya Nakamura qui a sorti un vieux son pour faire son come-back, Vald s’aide de son Journal perso II, suite du morceau figurant sur la mixtape NQNTMQMQMB (2011) pour annoncer son nouvel album. Unanimement respecté depuis l’excellent XEU, le rappeur de Seine-Saint-Denis a d’ailleurs annoncé que Ce Monde Est Cruel sortira le 11 octobre, en quatre éditions différentes et limitées, avec chacune un inédit. C’est un Vald plus sombre qui nous attend donc, en témoigne ce morceau court et mélancolique, sans refrain, produit par l’inséparable Seezy et composé d’une mélodie signée Sofiane Pamart, pianiste ayant déjà collaboré plusieurs fois avec Scylla.
Les clips de la semaine
Si Booba ne se concentre parfois que sur la communication et déçoit musicalement, il sait nous rappeler à quel point il maîtrise son art. C’est le cas sur Glaive, qui bénéficie de l’un des plus gros clips rap français de l’année.
Pour la réédition de son album J’Rap Encore, le légendaire Kery James a ajouté plusieurs titres, dont Les Yeux Mouillés, en featuring avec Youssoupha. Le titre annonce aussi Banlieusards, le film de Kery qui sortira le 12 octobre sur Netflix.
L’inénarrable Roi Heenok sort son 38 Spécial et s’affiche avec Freeze Corleone, jamais avare de collaborations sombres.
Naar, collectif d’artistes urbains arabes, vient de sortir l’éclectique album Safar, où sont invités Dosseh, Koba laD ou encore Jok’Air. Pour l’occasion, un documentaire retrace la conception de cette oeuvre.
Allez, on enlève les baskets, on remet ses boots et son cuir, et à la semaine prochaine dans le bendo !
Salade Tomates Oignons, la playlist rap français de Mowno, est à retrouver ici
No Comments