
05 Sep 23 Rock en Seine 2023, les tops et flops
Septembre. Les alarmes de la rentrée pour t’extirper du lit sont de nouveau programmées. Quoi de plus déprimant alors que de se replonger dans les souvenirs de l’été monoïé et de la saison des festivals ? Prenons le risque de subir la nostalgie de plein fouet et intéressons-nous à l’édition 2023 de Rock en Seine. Après les polémiques de l’année dernière liées à la mise en place d’un ‘golden pit’, ni plus ni moins qu’un enclos à bétail pour CSP++, le festival avait sûrement à cœur de retrouver une street cred’ bien étiolée. Alors, grand millésime ou édition bouchonnée ? Outre le fait d’offrir des métaphores pas piquées des hannetons, Mowno te mâche le travail et analyse les bonnes grosses réussites et foirades du festival. Tout ça sans la présence d’une seule ligne sur Placebo.
Les tops
Démarrer la journée par un concert de Turnstile (photo ci-dessous) à 16h15 est de bon augure. C’est l’assurance d’assister à l’équivalent d’un goûter hardcore sans croissant, mais avec des petits pains dans la gueule. 40 minutes sans temps mort – si ce n’est un solo de batterie interminable, exercice se prêtant rarement à autre chose qu’un moment cristallin de ringardise – où le public est tout du long présent et joueur. Une mention évidemment spéciale à l’arrivée sur scène de Julien Baker de boygenius pour un feat sur Underwater Boi qui a déclenché plusieurs ruptures d’anévrisme dans le pit. Même ravissement quelques minutes plus tard face au show des Viagra Boys et au cabotinage mutin de leur leader Sebastian Murphy. Le soulagement de les voir sur scène, en forme et prêts à tabasser à coups de saxophone hurleur, fut réel après la frayeur de leur annulation à la Route du Rock quelques jours auparavant pour cause de problèmes de santé. On a même eu droit à la lecture hilarante d’une déclaration d’amour pour Paris dans un français plus qu’approximatif, sûrement lié à l’ingurgitation de canettes de bière chaudes.
Puis vint le temps de l’accalmie et de l’indie doudou avec le passage de boygenius (photo ci-dessous), qui peut se targuer d’être moins chiant en live que sur album. Difficile de ne pas prendre son panard quand les trois meilleures amies du monde invitent Brendan Yates de Turnstile et Sebastian Murphy (encore lui) pour squatter le micro sur Satanist, moment inattendu que seul un festival peut produire. La présence importante du merch de boygenius sur l’intégralité du site ne trompe pas : le groupe était attendu au tournant et semble avoir comblé son public, comme les plus récalcitrants d’entre nous.
La soirée s’installe alors confortablement et on dit adieu au soleil en regrettant de ne pas avoir emporté un petit pull avec soi. Le moment idéal donc pour aller sous un chapiteau jeter un œil à Bracco et se réchauffer sous les coups de boutoir de son punk électronique incroyablement efficace et exaltant. Big up au slip impeccablement bien porté par le chanteur Baptiste qui a sa place d’exception dans ce top. Le vendredi se finira pour nous devant Fever Ray distribuant la première vraie claque du festival : présence scénique hypnotisante, choc visuel dès les premières secondes, chorégraphies étranges et inspirées, lumières et son aux petits oignons… Karin Dreijer, entourée de chanteuses et musiciennes, a enchainé les tubes pop expérimentaux jusqu’à atteindre une sorte de transe électro chamanique du meilleur effet. Le même que celui procuré par le gigantesque chapeau nuageux lumineux de la claviériste.
La journée du samedi est restée plus anecdotique mais impossible de ne pas mentionner le passage remarqué de Noga Erez sur la scène Cascade, le joint de la taille d’un chêne centenaire de B-Real de Cypress Hill, et les transats confortables de la zone médias où défilait la faune et la flore VIP. C’était également le jour où on a pu se faufiler dans les loges pour interviewer les chaleureux Dry Cleaning et discuter avec eux de l’impact du fromage sur leurs influences musicales. À lire bientôt dans nos pages.
Les jambes se font plus lourdes le dernier jour mais l’allégresse et l’énergie sont encore dans le vert. Pas le choix face au set high voltage (référence australienne oblige) d’une heure d’Amyl and the Sniffers qui a rappellé à la partie la plus léthargique du public qu’il y a bien le mot ‘rock’ dans Rock en Seine. Probablement le record de slams homologués sur toute la durée du festival. L’ultime claque aura néanmoins été la prestation dantesque de Young Fathers (photo ci-dessous), sans grande surprise finalement puisque les écossais forment l’un des meilleurs groupes live à l’heure actuelle. Pas même la pluie, qui s’abattra pendant 20 petites minutes, n’aura réussi à émousser l’enthousiasme collectif et les pas de danse réalisés par les pros des premiers rangs. Enfin, terminons ce top par un hommage à mes fidèles compagnons : le sandwich raclette et son cousin saucisse-aligot, sans lesquels ce festival aurait probablement été moins flamboyant.
Les flops
Mowno étant incorruptible, intransigeant, indécrottable, il faut maintenant aborder les sujets plus fâcheux. Et quand on doit parfois payer 12 balles – consigne comprise – pour une pinte, on tape du poing sur la table du bar ! On s’insurge ! On invoque l’esprit de George Marchais à la rescousse ! Il faut que ça se sache : à Rock en Seine, la seule goutte d’une quelconque boisson, comme la moindre patate douce vous fera regarder les prix de revente de vos organes sur le dark web pour pouvoir éponger vos dettes. Ici, c’est Paris, certes, mais on a quand même salement l’impression que le festival cultive l’élevage de vaches à lait et se dirige de plus en plus nettement vers une coachellisation totale. Et ce n’est ni le stand Yves Saint Laurent, qui a poussé tel un furoncle sur le parc de Saint-Cloud, ni la présence (plus subtile cette fois-ci) du coin VIP Garden qui nous contrediront. Du coup, dans le seul but d’entretenir l’euphorie de l’ivresse et pour éviter d’hypothéquer des biens immobiliers, on boit du whisky Jack Daniel’s Tennessee Fire coupé à l’eau avant de venir.
Mais le prix exorbitant de la bière a peut être aussi pour but de raccourcir les queues pour les chiottes, notamment celles des femmes, interminables. Heureusement que l’auteur de ces lignes a un contrôle absolu sur son corps et ses intestins. Une maitrise de fer qu’il a presque regretté durant la performance désastreuse des Strokes. Arriver en retard et partir en avance, c’est un classique des divas de festival. Les couacs techniques et problèmes de son, un peu moins. Pour une immersion totale dans ce live report, écoutez donc un disque rayé des new-yorkais sur les enceintes Bluetooth les plus bas de gamme que vous pouvez trouver, et vous aurez une idée assez fidèle de ce concert de clôture. Même les pires blagues du flemmard Casablancas n’y ont rien changé. Les derniers Mohicans ignorant encore que les Strokes n’ont jamais été un groupe particulièrement bon en live ont été servis. C’est certain : sans la pensée réconfortante du kebab nous attendant à la fin de ce tunnel de médiocrité, nous n’aurions certainement pas tenu si vaillamment.
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