11 Juin 17 On y était ! Retour sur le Primavera Sound 2017
Depuis novembre et une programmation dévoilée exceptionnellement tôt comparé aux années précédentes, un compte à rebours trottait dans nos têtes dans l’attente de cette nouvelle édition du Primavera, devenu – pour nous et pour beaucoup de mélomanes du monde entier – un rendez vous annuel incontournable depuis que l’on y a goûté la première fois il y a cinq ans. Une fois encore, la crème de la musique indie nous attendait dans l’antre du Parc Del Forum, sous une chaleur agréable qui – chose promise, chose due – nous a accompagné jusqu’aux dernière heures de la nuit. Une semaine plus tard, et alors que la plupart des groupes se rejoignent de nouveau à Porto pour l’autre évènement Primavera, retour sur le meilleur de ce cru 2017 qui, aux yeux des médias du monde entier, a lui aussi contribué à faire du festival de Barcelone le plus en vue d’Europe.
Non content de compter sur ses sept ou huit scènes habituelles, de tailles variables, le Primavera a poussé encore plus loin cette année son imagination à exploiter au mieux l’espace qui lui est réservé. Ainsi, 2017 a été incontestablement marqué par deux nouvelles initiatives : des concerts surprises annoncés quelques heures en amont seulement (Arcade Fire, Mogwai, Haim), et une scène au public restreint (‘The Backstage’) à laquelle les festivaliers ne pouvaient accéder qu’en possession d’un jeton plastique distribué au hasard, par des inconnus, dans l’enceinte du Parc. Deux initiatives qui ont réservé sans conteste les meilleurs moments de cette année.
A la grande surprise de tout le monde, le Primavera Sound 2017 a plus ou moins commencé comme il s’est terminé : dans la bonne humeur et l’efficacité maintes fois prouvée d’Arcade Fire, plus que jamais chez lui tant chacune de ses apparitions à Barcelone prend forme d’une messe ou plusieurs dizaines de milliers de spectateurs chantent par coeur – et en choeur – ses plus grands tubes. Pas un hasard si, dans une stratégie promo parfaitement pensée, les canadiens annonçaient ce jour la sortie de leur nouveau single, d’un nouvel album attendu fin juillet, et offraient au public barcelonais la primeur live d’un ‘Everything Now’ aussi déconcertant que tubesque. Ainsi, deux jours avant de se produire comme convenu sur une des grandes scènes du festival, le show surprise de la bande (photo ci-dessus) – à peine annoncé, certainement pour ne pas provoquer la cohue – nous a d’emblée forcé à revoir nos plans : out Kevin Morby et Miguel, place à une scène éphémère trônant au milieu d’un espace permettant au public de se placer partout autour. Au coucher de soleil, le groupe enchainait ses tubes durant une heure, s’échangeant les instruments, passant de droite à gauche, de devant à derrière, pour maintenir en haleine une assistance toute acquise à sa cause, bien consciente d’assister – déjà – au moment le plus exceptionnel de cette édition.
Quelques heures plus tard, deux prétendants tentaient pourtant avec brio de rejoindre Arcade Fire sur le podium de cette première journée : avec sa dégaine qui n’en a pas l’air, Kate Tempest (photo ci-contre) – entourée de trois musiciens et devant un parterre noir de monde – déroulait son hip hop sans temps mort, avec une efficacité redoutable, portée par un flow rythmique qui lui allait jusqu’à lui permettre de se passer de son backing band durant plusieurs minutes. Dans la foulée, The Black Angels prenaient possession de la scène Ray Ban pour un grand moment de rock psychédélique parfaitement exécuté, avant de la laisser à l’electro pop d’un Tycho séduisant, bien qu’un peu trop appliqué à cette heure tardive de la nuit.
La journée du vendredi s’ouvrait pour nous sur la scène Pitchfork avec les locaux de It’s Not Not. Frais et remontés, portés par un chanteur plus à l’aise dans la fosse que sur scène, ils laissaient parler leurs mélodies et leur énergie héritées de Q And Not U, avant que l’on se rabatte sur la séduisante nonchalance des californiens de The Growlers qui, dans leur tenue de combat sur la grande scène, déroulaient avec conviction leur pop ensoleillée. Mac Demarco (photo ci-dessous) reprenait alors le flambeau dans une ambiance similaire pour un concert aussi réussi que drôle. Fidèle à lui-même, le canadien – backé par un batteur nu et secondé de temps à autres par ses potes de Whitney passés quelques heures avant lui – a mêlé mélodies, mélancolie et humour tout au long d’un set empli de tubes, jusqu’à finir en slip, recroquevillé sur un ampli. Music & entertainment.
Et la nuit de faisait que commencer. Plus tard, le Primavera accueillait un revenant de la scène de Washington DC: The Make Up, tout en costards dorés, rappelait à quel point son registre post punk/garage/soul a pu en influencer d’autres (The International Noise Conspiracy si tu nous entends…). Emmené par un Ian Svenonius intenable, haranguant la foule autant qu’il s’en allait lui marcher dessus, le quatuor fit très forte impression, comme insensible aux nombreuses années d’absence qui précédaient cette tournée de reformation. De quoi retrouver toute la force suffisante pour goûter au graal de la fameuse scène Backstage. Là, la veille de leur concert annoncé, les australiens de Pond (photo ci-dessous) se voyaient offrir la possibilité de répéter leur set dans des conditions optimales devant 200 personnes. Cumulant les tubes issus de leur discographie, ils laissaient leur frontman Nick Allbrook communier avec son public, au point d’y laisser son nez, contraint et forcé de finir le concert avec un paquet de kleenex dans la narine. Rien y a changé pour autant : Pond a littéralement impressionné. Tout comme Run The Jewels, toujours aussi fort de la complicité scénique régnant entre El-P et ce bon Killer Mike à l’engagement politique toujours aussi généreux et bienvenu. Définitivement plus parlant sur scène que sur disque, le duo a fait vrombir ses productions sur les bords de la Méditerranée, à deux doigts de réveiller les détecteurs sismiques.
Avec plus d’une dizaine de kilomètres à pied parcourus quotidiennement, la dernière journée du Primavera est généralement la moins intense, surtout quand la programmation du jour ne suscite pas le plus grand enthousiasme. Le samedi promettait pourtant quelques jolis moments auxquels on a bel et bien eu droit. A commencer par la douceur de la folk rétro futuriste séduisante de Weyes Blood, rappelant au passage que son dernier album ne figurait pas sans raison parmi les meilleurs albums de 2016. Idem pour une Angel Olsen de toute beauté qui, entourée de son groupe, n’avait jamais donné de concert devant autant de monde (dixit l’intéressée). Entre temps, Thurston Moore, accompagné d’un batteur, venait défendre en acoustique son dernier album sur la scène planquée de la Heineken Hidden Stage, lâchant au passage quelques souvenirs de Sonic Youth pour la plus grande joie de ses fidèles nostalgiques. De l’autre côté, Arcade Fire – de loin le groupe emblématique de cette édition 2017 – mettait un point final aux grandes scènes comme il avait ouvert le festival deux jours plus tôt, laissant l’envie débordante de donner rendez vous à Barcelone l’année prochaine.
On a vu, on est déçu : The Afghan Whigs, BadBadNotGood, King Gizzard & The Lizard Wizard, Mogwai (en raison du son seulement), Converge, Mitski, Descendents, The XX, Jamie XX, Van Morrisson…
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