30 Sep 18 Levitation France 2018, on y était !
Dans une ville qui héberge une tapisserie dite ‘de l’apocalypse’, normal que l’automne s’ouvre dans la fureur et le bruit. Les deux soirées du festival Levitation bousculent depuis six ans la douceur angevine au moment des premiers frimas, et il fait toujours aussi bon s’y réchauffer.
Un festival de musique psyché installé au Quai, somptueux écrin de béton plus habitué au théâtre et à la danse, face à l’impressionnant château, ça pourrait vite faire refuge pour intellos. C’est vrai, les réflexions ne manquent pas autour du psychédélisme… Qu’est-ce qu’on vient chercher : un vibrato obstiné, des riffs sériels, une guitare saturée d’effets, des synthés planants, des voix aigrelettes, des chanteuses en robes macramé, un light show à faire saigner les pupilles ?…
La justesse du Levitation tient justement dans le décloisonnement, la multiplicité des expériences, en faisant voisiner par exemple le post-punk de Pigsx7 et les effets atmosphériques de Holy Wave, l’indus électronique d’Oktober Lieber et la synth-pop de Flavien Berger (photo ci-dessous). Mais c’est surtout, et avant tout, une grosse déflagration qui assaille l’oreille de l’auditeur à peine arrivé, irrémédiablement séduit par le foisonnement sonore.
Vendredi soir, on pouvait faire traîner un peu l’apéro, dans la grande salle du forum, avec La Luz et leur surf rock dépaysant et maîtrisé. Le corps bougeait tranquillement, on s’entendait encore parler. Puis leur succédait Pigsx7 dans la plus discrète salle T400, et alors on comprenait que la soirée changeait radicalement de ton. Un set joué quasi-intégralement sur un riff, quelques effets et des pauses dans les vociférations du chanteur en guise d’alternance, ce n’est pas très subtil, mais efficace. De cette soirée, on retient d’ailleurs l’énergie et la puissance distillées par les groupes programmés dans cette même salle, à l’image de Prettiest Eyes, trio porto-ricain de clavier-batterie-basse, sa rythmique épileptique et son échantillonnage de bruits d’usines et d’alarmes, ou encore J.C. Satan, chargés de fermer le ban avec leur post-punk enragé.
Samedi, plus de nuances dans la programmation. A la tombée de la nuit, Go!Zilla étrennait l’album à venir, c’était appliqué, sans plus, quelques nappes afro-beat servaient même de mise en bouche à la world psyché de Flamingods, sérielle et envoûtante. L’ambiance faisait des hauts et des bas, Juniore cachait mal son enthousiasme derrière un masque blasé, et délivrait une french-pop pleine de fraîcheur, un peu écrasée sur la scène du forum, devant un public qui attendait définitivement MIEN (photo ci-dessous), Spiritualized ou Flavien Berger. Dans la salle T400, le public négligeait le pilonnage électro très dark d’Oktober Lieber et la longue montée de Radar Men From The Moon, et c’étaient là des erreurs grossières, les lives de ces deux groupes faisant clairement parties des tout bons moments de cette édition.
LES TOPS
En tout premier lieu, le lightshow. Chaque année, les effets visuels de fonds de scène sont soignés, vagues de couleurs primaires alternant avec algorithmes géométriques évoluant aléatoirement ; mais cette fois, la prestation était assurée par The Mustachio Lightshow, arrivé dans les bagages d’Alex Maas, jouant cette année avec MIEN mais utilisant déjà ses services dans les clips des Black Angels. Tous les murs et les couloirs du Quai se sont retrouvés couverts de lumières ondoyantes, magiques et spectrales. Un régal.
Pigsx7 fut sûrement le détonateur de cette édition. Pas forcément attendus, dans une soirée où étaient programmés The Soft Moon et The Brian Jonestown Massacre, ils ont enflammé la salle T400 sans complexe, dans un dépouillement minimaliste bruyant qui a tout renversé. Par la suite, certains sets ont paru bien fades.
The Soft Moon (photo ci-dessous) assume parfaitement sa tête d’affiche avec une performance ténébreuse très haut de gamme. Ambiance glacée, puissante, effets de voix métalliques et percus coléreuse. Le groupe communique une énergie folle, joue avec ampleur et finesse, sans temps mort, toujours juste… La grande classe.
Les fans de J.C. Satan sont insomniaques et très patients. Le groupe clôturait la première soirée, son public n’aurait raté ça pour rien au monde, et on comprend vite pourquoi la salle n’a pas désempli avant la dernière punchline. Relation fusionnelle, ambiance électrique, musique carrée et surpuissante. Mélodies minimalistes, boucles efficaces, le groupe donne sans compter, sur un rythme frénétique, du début à la fin. On ressort essoré.
Samedi, MIEN a assuré un set de superstars. D’autant plus difficile que le groupe était attendu, à l’instar d’Alex Maas, au chant, dont les prestations avec Black Angels peuvent parfois manquer de densité (cf la Route du Rock, cette année). Le set a vraiment décollé au moment où Rishi Dhir a laissé la basse pour le sitar. La voix de Maas a alors trouvé sa pleine expression et tout le groupe gagné en évidence et en facilité. Dès lors, les portes du ciel étaient ouvertes..
Flamingods est un voyage, le groupe maîtrise ses paysages sonores, les musiciens alternant les instruments et les rythmes avec un plaisir et un savoir-faire évidents, distordant les morceaux à l’infini jusqu’à la transe.
Le duo féminin Oktober Lieber a fait trembler les murs de la salle T400. Devant un public trop clairsemé (trop électro pour séduire ?), elles ont alterné des montées percussives et dark avec des moments plus légers, marchant avec un équilibre parfait sur un fil tendu entre l’angoisse et le plaisir.
Radar Men From The Moon a partagé le public. Beaucoup, après quelques minutes, ont déserté pour se diriger vers les food-trucks. Et pourtant, l’unique compo qui traverse tout le set n’a cessé de s’enrichir et de monter avec une maîtrise remarquable, depuis un agglomérat de sons juxtaposés jusqu’à une symphonie de nappes explosives. Alors, oui, il fallait rester disponible, mais on était vraiment récompensé.
LES FLOPS
On se réjouissait d’entendre les sons planants d’Holy Wave et, quelques heures après, il ne reste que le souvenir d’un ennui nous ayant porté vers le bar goûter cette délicieuse bière locale, ainsi qu’un abus d’effets qui a fini par noyer les mélodies dans une soupe tremblotante.
The Brian Jonestown Massacre (photo ci-dessous), peut-être le groupe le plus attendu de cette édition, probablement aussi le plus suffisant. Comme quoi, le répertoire ne suffit pas. Si la formation a assuré la puissance (trois guitaristes qui assurent la partition, ça produit son effet), elle n’a jamais investi la scène, paraissant s’ennuyer, ailleurs et blasée.
On est resté de marbre devant Flavien Berger. Il faut dire que ce n’est pas évident de vibrer devant un garçon seul entouré de machines, aussi talentueux soit-il. En tout cas, son public était là et le couvrait d’amour. C’est l’essentiel.
Il semblait que l’ambiance du festival était déjà retombée quand Spiritualized s’est présenté le second soir. Le groupe n’a pas réussi à relancer la machine, et son son élégant et propre, ses mélodies à pleurer, sonnaient quand même datés avec ces choeurs féminins et ces bridges d’héroïc rock. Les nostalgiques ont certainement apprécié, mais après le déferlement du week-end, on n’avait plus trop envie de ça…
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