
03 Oct 21 Levitation 2021, on vous raconte…
Il aura fallu de l’audace, une bonne dose d’optimisme, et la capacité inépuisable à s’adapter à chaque nouvelle annonce sanitaire de ces deux dernières années pour continuer à croire qu’on pourrait organiser cet automne un festival ambitieux, sans savoir si le public répondrait présent ou aurait laissé tomber à mi parcours dans ce qui devenait une course d’obstacles infinie. Avant même les premiers riffs, cette obstination donnait déjà à cette édition quelque chose d’unique et mémorable.
Les organisateurs du Levitation avaient peut-être quelques avantages sur d’autres, à savoir l’expérience de son clone texan à Austin, et sa traditionnelle date automnale qui pouvait laisser présager (c’était presque le cas l’an passé) un relâchement de l’épidémie. En tout cas, on ne les félicitera jamais assez de cette édition miraculeuse dont il a été au final difficile de redescendre.
Dans la forme, retour aux origines. S’il était déjà plus ou moins prévu que le festival quitte les bords de la Maine à l’issue du cru 2019, l’ambition n’était probablement pas de retourner dans l’historique site du Chabada pour une version en plein air avec pass et sans masque. Qu’à cela ne tienne, l’immense parking des anciens abattoirs a avalé sans complexe le public pour ces deux soirées qui ont affiché complet. Et comment résister à deux nuits de folies – on peinait à imaginer de telles affiches il y a quelques semaines encore – bâties autour des prestations phares de The Liminanas le vendredi, et Shame le samedi ?
VENDREDI 24 SEPTEMBRE 2021
On retiendra de la première soirée le grand éclectisme de la programmation. L’étiquette psychédélique revendiquée par Levitation, depuis la création originelle au Texas, est aguicheuse et confortable, suffisamment indé et populaire pour permettre des rencontres enthousiasmantes.
C’était bien le cas cette année encore, et comme à chaque fois, il fallait déserter le bureau très tôt pour pouvoir entendre les premiers riffs des locaux de La Houle, puis (déjà !) prendre notre première claque de la soirée avec les expérimentations sombres et fascinantes des biens nommés Nova Materia (photo ci-dessous). Les quatre filles de Menelas avaient ensuite les honneurs de la golden hour et pilaient leur surf-pop alternativement musclée et voluptueuse devant un public qui se densifiait à vue d’oeil…
On devinait déjà qu’avant que n’entrent en scène The Liminanas, on aurait fait le tour de la planète rock. Le voyage continuait donc avec Sonic Boom qui accueillait la nuit, nous emportant dans sa navigation électronique faite de mantras, de grosses nappes planantes, de faux rythmes. Le set tendait tranquillement au gré des distorsions vers une saturation indus redoutablement efficace avant de s’achever dans un indian groove possédé. Mars Red Sky jouait ensuite autant du light show que de la puissance de ses guitares pour édifier la foule. Le set des bordelais alternait avec science le chaud et le froid, le doom d’un stoner explosif et les nappes rétro de longs bridges épiques.
Mais la seconde claque de la soirée venait ensuite, quand Dame Area (photo ci-dessous) s’emparait de la scène. Oscillant dans une galaxie ou le rythme est roi, quelque part entre Tune-Yards et Camilla Sparksss, le duo a balancé une heure durant ses petits contes parlés-hurlés dans des ambiances minimalistes et glaçantes.
Il était temps pour The Liminanas d’entrer en scène et nous remettre les pieds sur terre. Dans un set long et carré, d’une efficacité remarquable, le groupe a donné de l’air à toute sa discographie, alterné les titres de leur nouveau concept-album et les références parfaitement rodées. Les Perpignanais démontraient une nouvelle fois toute leur science de la scène, la maîtrise d’un son lourd et ample aussi facile dans la saturation que le wah wah.
On aurait pu se satisfaire de tout cela et rentrer se coucher, la fatigue commençait à gagner, mais les habitués savent qu’à Levitation, il faut rester jusqu’au bout de la nuit. C’est La Jungle (photo ci-dessous) qui était chargé de vérifier l’adage cette année, affolant les couche-tard avec les pilonnages épileptiques et obstinés de son post-punk 8 bits : une dernière claque avant d’aller se coucher.
SAMEDI 25 SEPTEMBRE 2021
A cause d’un ciel qui balançait un crachin soutenu au début de l’après-midi, on a un peu traîné avant de retourner prendre du son. Mais les premiers arrivés, trempés pour la soirée, ne se remettaient déjà pas du set de Baston, qui ouvrait les hostilités et plaçait déjà très haut le travail de guitares atmosphériques et ténébreuses. Invités de dernière minute, les excentriques anglais de Tina prenaient la suite et donnaient une orientation plus pop-rock à la soirée, avant que le trio Parrenin-Weinrich-Rollet vienne jouer le rôle d’ovni dans cette programmation.
Emmanuelle Parrenin, référence d’un milieu d’ethnomusicologues trop secret, est à l’origine d’un travail considérable de réhabilitation des folklores et des pratiques musicales traditionnelles. Sur scène, son set fascinant projette la vielle à roue vers le siècle nouveau (à l’instar de France en 2019), au milieu des samples et des délires free jazz de ses compagnons.
Cette parenthèse refermée, c’est Wild Fox qui nous rappelait de son post punk que la soirée tendait vers l’apothéose Shame quelques heures plus tard. Les jeunes angevins ont bien grandi depuis leur opening il y a deux ans et, devant leur public conquis d’avance, ont pu enfin étrenner la rage des titres de leur nouvel EP, avec un plaisir et une énergie fous et communicatifs.
L’excitation retombait pourtant ensuite avec les prestations d’Anika, dont la dream-pop très étudiée s’avérait trop statique et éthérée pour vraiment enflammer l’espace, et Zombie Zombie-Sonic Boom, peinant à faire décoller un set démarrant new wave mais s’égarant dans des nappes atmosphériques infinies.
C’est Lice qui assurait le retour d’un souffle rock brutal et imprévisible. Entre doom et riffs déglingués, ces anglais hyperactifs, inattendus, investissaient la scène sans cesser d’aller chercher, de leurs vociférations, le public de plus en plus bouillant. Encore une belle claque !
Slift (photo ci-dessous) conservait la puissance de leurs prédécesseurs mais polissaient leurs déflagrations d’un sens mélodique imparable. On a beau connaître le groupe, on reprenait une nouvelle baffe, collés par la justesse des alternances, jamais prises en défaut, entre puissance échevelée et étirements psyché-boréals.
Etourdis de gros son, on trépignait de voir enfin Shame (photo ci-dessous), mais la soirée était définitivement marquée par les ascenseurs émotionnels, à l’image du set de Los Bitchos qui peinait à nous rassasier de leur surprenante pop-punk caribéenne. Cependant, leur groove frais et apaisant était bon à prendre avant l’entrée en scène des anglais. Sur quelques notes de Stromae, Charlie Steen et sa bande investissaient la scène en haranguant un public déjà chaud bouillant et totalement acquis à sa cause. Pris à la gorge, les festivaliers ont répondu présents à chacun des coups de boutoirs et des montées en puissance du groupe qui lâchait l’énergie de deux années passées à renâcler, dans un set sans concession, brûlant et cathartique.
Après ça, Working Men’s Club pouvait assurer le closing sans effort, dans une ambiance d’épuisement et de fin du monde. Le groupe a pourtant assuré un set remarquable appuyé sur une rythmique musclée, entre new-wave et disco-rock, jusqu’à l’épuisement des dernières forces des festivaliers.
On attend maintenant la véritable ‘nouvelle formule’ annoncée pour l’année prochaine. Et retenez déjà l’info : le Levitation 2022 se tiendra du 3 au 5 juin !
Photos : Non 2 Non
COLING
Posté à 13:35h, 05 octobreJe n’ai pas vu le même concert d’ANIKA que vous…Moi je l’ai trouvé génial. Apres oui c’est plus Dub, subtile et poétique , mais certainement pas comme vous l’avez décrit. Je trouvais important de le signaler. Sinon super festival.