
24 Juin 15 Refused – ‘Freedom’
Album / Epitaph / 30.06.2015
Hardcore challenge
La conscience aurait voulu que ‘The Shape Of Punk To Come‘ soit à jamais la dernière trace discographique de Refused. Avant-gardiste à sa sortie, influent au possible, inégalé depuis, mythique au regard de son exceptionnelle longévité, l’album n’a cessé de laisser flotter pendant quasiment vingt ans ses relents de franche rébellion adolescente, à la fois politique et artistique tant les suédois avaient su parfaitement y marier leurs pensées révolutionnaires à un hardcore visionnaire et décalé, avant de raccrocher leurs guitares dans la foulée, dans le chaos le plus complet.
Quinze ans plus tard, dans un vent soutenu de reformations, Dennis Lyxzen et sa bande revenaient néanmoins sur scène pour le défendre le plus dignement du monde, plus pour fermer définitivement la parenthèse que pour envisager un successeur à la veille de cet été 2015. Il y a peu, il n’était d’ailleurs toujours pas question d’immortaliser les nouveaux morceaux composés au fil de l’eau par certains membres du groupe. Jusqu’à ce que Lyxzen accepte l’invitation d’y poser sa voix, que Refused tout entier les retravaille, et les assume pleinement. Aussi savonneux qu’il soit, ‘Freedom’ est donc là, porté fièrement à bout de bras par un groupe qui, finalement, s’est vite attelé à cette tâche difficile, sans Jon Brännström, son charismatique guitariste originel dont il s’est récemment séparé avec fracas.
Comme une bataille perdue d’avance à en croire le scepticisme des fans, ‘Freedom’ fait donc son possible pour défendre le blason d’un Refused qui, tout du long, tente de trouver un itinéraire bis: celui qui entretient la flamme tout en contournant les risques d’une comparaison trop pesante avec l’intemporel chef d’oeuvre. En vain, car elle est inévitable. Pourtant, le feu brûle encore. Sans compter ses nombreuses tentatives d’éveiller les foules, ses frondes plus que jamais d’actualité contre la puissance des entreprises ou le déséquilibre mondial, ‘Freedom’ laisse également de beaux restes musicaux s’exprimer. ‘Elektra’, ‘Dawkins Christ’ et ‘366’ s’empressent d’ailleurs d’en faire une évidence tant on y retrouve l’intensité, les décalages rythmiques, et les punchlines braillées d’antan.
Pour autant, cette nouvelle salve ne tarde pas à dévoiler les deux tenants de sa stratégie identitaire: diversité musicale pour s’éloigner du hardcore originel, et ferme volonté de draper une réelle complexité d’écriture dans une simplicité apparente. Tout le contraire de ‘The Shape Of Punk To Come’. Ainsi, le très revendicatif ‘Françafrique’ est partagé entre accents funk perturbants, choeurs d’enfants, et un refrain pop comme hérité des années The International Noise Conspiracy, alors que ‘War On The Palaces’ pose ses bases heavy old school sur une section de cuivres, et que ‘Old Friends/New War’ mêle guitares acoustiques et électriques sur une rythmique aux contours trip hop. Autant de prises de risques qui, si elles ne font pas toujours l’unanimité (les cordes de ‘Useless Europeans’), ont le mérite de compenser la trop grande timidité de certains arrangements (‘Destroy The Man’), pourtant points forts du groupe en 1998.
Evidemment en deçà d’un aîné irréprochable qui ne laissait d’autre choix que de s’en démarquer, ‘Freedom’ n’est pas la catastrophe pressentie. Pas loin de vingt ans après que ses géniteurs aient marqué l’histoire, cet album – longtemps attendu et aujourd’hui craint – atteste surtout de l’impressionnante conviction qui habite ici un groupe resté sauvage et unique, bien que son immédiateté d’antan l’ait quelque peu délaissé. C’est d’ailleurs grâce à cette foi à toute épreuve qu’il évite soigneusement les nids de poule de mauvais goût disséminés ici ou là tout au long de dix titres que beaucoup de concurrents auraient encore une fois rêvé de pondre. Son avance a beau avoir fondu, Refused est toujours en pole: constat sans appel.
‘Elektra’, ‘Old Friends/New War’, ‘Dawkins Christ’, ‘366’
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