30 Juin 10 Grasscut – « 1 Inch / 1/2 Miles »
Album
(Ninja Tune)
21/06/2010
Pop electronica
Parce que trop peu convaincus par les précédents Eps, on a bien failli passer à côté de ce premier album de Grasscut, pas plus aguicheur aux premières écoutes. Par pure politesse envers le bien aimé Ninja Tune, on s’apprêtait donc seulement à en écrire une « news » quand soudain toute la saveur de ce « 1 Inch / 1/2 Mile » nous a sauté in extremis aux oreilles. La persévérance paye, car c’est véritablement après plusieurs tentatives que toute la minutie et l’application qu’ont mis Andrew Philipps et Marcus O’Dair dans Grasscut sont devenues une évidence. L’impasse se serait donc révélée cruelle pour ces deux Britanniques, sur le point de faire de leur projet la nouvelle coqueluche d’un label qui, en bientôt vingt ans d’existence, n’a finalement pas connu tant de révélations que cela.
Philipps – compositeur pour le cinéma et la télévision – possède déjà plus d’une centaine de musiques à son actif, tandis qu’O’Dair est un as des basses et claviers: à eux deux, ils présentent avec Grasscut leur propre vision d’une musique qu’on pourrait rapidement qualifier de pop-electronica, éloignée cependant des quelques catastrophes que le genre a connues avant eux. Car, chez le duo, il n’est pas question que de musique, il y a aussi un concept, et aucune place laissée au hasard. Ainsi, « 1 Inch / 1/2 Mile » affiche une des principales caractéristiques de sa musique: marier passé, présent et futur à la seule force d’un registre parfois expérimental (le minimal et bruitiste « Passing »), mais toujours inspiré, méticuleux, et mélancolique. Ce qui n’est pas sans rappeler quelques maitres du genre, parmi lesquels The Notwist (sur « Old Machines » surtout), Bibio, Son Lux ou les débuts de Four Tet et Caribou avec qui le duo a souvent partagé l’affiche.
Du coup, ce qui apparaît souvent comme bancal et confus de prime abord, s’éclaircit très nettement ensuite. Alors, et comme par magie, de nouveaux détails font leur apparition, des mélodies parfaites laissent parler leurs charmes (« High Down », « The Door In The Wall »), tandis qu’on assiste à d’improbables rebondissements, volontaires de la part de deux musiciens qui s’amusent à brouiller les pistes, à effacer les repères, ne laissant à l’auditeur qu’une seule échelle à laquelle se raccrocher. Quelques éléments incarnent d’ailleurs parfaitement cette grande et trop rare liberté de composition: « Muppet » allant de l’IDM gentiment barrée à une ambiance religieuse en passant par du rock bruitiste, ou plus généralement l’utilisation d’un large panel de voix, délicieusement pop sur « Meltwater », parlées sur « 1946 » et « In Her Pride », ou comme crachées d’un vieux gramophone sur le prenant et cinématographique « The Tin Man ». D’abord condamné à l’indifférence, Grasscut, atypique et bluffant, se révèle être finalement une énorme surprise. De celles qui nous rappellent pourquoi on aime tant noircir des lignes en parlant musique.
En écoute
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