08 Nov 11 East Of Underground – « Hell Bellow »
Album
(Now Again)
02/11/2011
Soul funk guerrière
Si l’histoire n’est pas faite que de bon souvenirs, il y a des fouineurs dont il faut clairement se réjouir des trouvailles. A la manière de quelques autres avant lui, ayant eux aussi pioché quelques reliques exceptionnelles sous une épaisse couche de poussière, Wax Poetics mettait la main il y a quatre ans sur « East Of Underground », album éponyme pressé dans le dos du groupe par l’armée américaine à la fin des années 70 pour en faire un outil de recrutement, alors que la guerre du Vietnam occupait l’essentiel de ses préoccupations.
En effet, alors qu’en Asie des militaires américains se livraient à un des conflits les plus marquants du siècle dernier, que des centaines de milliers de personnes se faisaient entendre au pays pour que le massacre cesse, d’autres soldats se tenaient près en bases allemandes en attendant qu’on les appelle au combat. A leurs heures perdues, quelques uns d’entre eux – certains pour échapper au front – alimentaient deux étranges paradoxes: celui de se révéler convaincants et talentueux entertainers alors qu’ils étaient acteurs passifs d’un des faits les plus meurtriers de l’histoire; aussi celui de se proclamer apolitiques alors qu’ils servaient de propagande de recrutement, de vitrine de l’idéologie américaine, comme de soutien moral aux troupes.
Avant que Wax Poetics y mette son nez, tous ces « artistes guerriers » étaient quasi inconnus. Seuls quelques témoignages, et archives de la bibliothèque publique de New York pouvaient en révèler l’existence. C’était sans compter sur la curiosité et la tenacité de Now Again qui décida d’aller chercher plus profondément encore que son homologue. Ainsi, après quelques années de recherche auprès de l’armée américaine, la sous division Stones Throw est aujourd’hui en mesure d’enrichir le propos: son « East Of Underground » à lui propose non seulement une deuxième réédition de l’album, mais aussi les oeuvres de The Black Seeds, SOAP, et The Sound Treck, trois autres formations également remarquées lors des concours musicaux initiés par l’armée.
Le temps de deux heures environ, on se voit donc offrir quelques reprises de standards soul, funk et rock de l’époque (des Temptations à Curtis Mayfield en passant par Dionne Warwick), généralement interprétées avec talent et conviction par des musiciens dont on ne sait plus rien aujourd’hui, si ce n’est qu’ils maniaient aussi bien les instruments que les armes. Pour le reste, le mystère plane, nul ne sait s’ils sont morts au combat ou s’ils sont revenus au pays. Et si ces multiples interrogations confèrent à ces trois disques un sentiment étrange, le paradoxe dont ils tirent incontestablement leur charme demeure et demeurera toujours intact: leur musique parfois douce, souvent jouissive, toujours empreinte de liberté, restera à jamais indissociable du contexte tragique dans lequel elle est née.
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