Deerhunter – ‘Halcyon Digest’

Deerhunter – ‘Halcyon Digest’

Album / 4AD / 27.09.2010
Pop garage

Qui s’est déjà penché sur Deerhunter n’a pu rester insensible à Bradford Cox, ce géant et squelettique frontman souffrant du syndrome de Marfan. Mais, au-delà de cette apparence dont il use, abuse, et qu’il maîtrise parfaitement, Cox possède surtout une voix dont les expérimentations auront clairement marqué les premiers albums du combo, quand celui-ci s’adonnait généreusement à un punk bruitiste lorgnant vers le garage, le shoegaze, le rock psychédélique. Et l’emploi du passé est ici bel et bien volontaire car, depuis quelques années et son dernier album Microcastle qui prit de plein fouet les revers des nouveaux modes de consommation de la musique sur internet, Deerhunter penche ouvertement vers la pop et le confirme définitivement sur Halcyon Digest : un nouveau disque qui, pour la première fois vraiment, se laisse porter par de véritables tubes.

Et pour cause, tout semble désormais beaucoup plus naturel chez le combo d’Atlanta, comme s’il laissait libre cours à toutes ses inspirations, peu importe qu’elles soient de la pop des sixties (Basement Scene) ou même de la soul, tant qu’elles sont servies à la sauce Deerhunter. En guise d’illustration de cette approche très personnelle, pas de meilleurs exemples que le rêveur, nostalgique, magique et scintillant Helicopter, ou les excellents Desire Lines, Foutain Stairs et Memory Boy aux mélodies instantanées. A eux seuls, ils dédouanent le groupe de toutes tentatives commerciales, et rendent si évidente la suite logique qu’incarne ce jouissif Halcyon Digest. Car, si tubes il y a, ils ne font pas à eux seuls toute la saveur de cet album, dont il faut aussi aller chercher la pulpe dans de petites pépites pop garage qui méritent tout autant le détour, bien qu’elles ne garantissent pas forcément de souvenirs durables (Coronado, Don’t Cry, Revival).

Possible qu’en se révélant si accessible, ce nouvel album marque alors une certaine distance entre le groupe et une frange de son public qui y verrait moins d’originalité, malgré le voile fantomatique qui couvre ce disque (Earthquake), et d’évidentes piqûres de rappel rappelant incontestablement que Deerhunter est un groupe à part (He Would Have Laughed, hommage à Jay Reatard). D’autres y verront plus justement le passage à un nouveau stade de maturité qui permet une fois de plus au quintet – plus particulièrement à sa paire influente Bradford Cox (Atlas Sound)/Lockett Pundt (Lotus Plaza) – de tenter de nouvelles choses, d’amener très subtilement au plus grand monde une approche de la musique définitivement personnelle. Assurément un des albums de l’année.

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