Death – « …For The Whole World To See »

Death – « …For The Whole World To See »

death180Album
(Drag City)
22/06/2009
Proto punk

A l’opposé des groupes préfabriqués d’aujourd’hui au succès aussi soudain qu’éphémère, d’autres n’auront jamais récolté ce qu’ils auront semé. Rodriguez, par exemple, aura récemment bien achalandé le rayon belles histoires du rock avec la réédition autrefois impensable de son « Cold Fact« . Death et son incroyable destin viennent dignement le rejoindre avec la sortie de « …For The Whole World To See », seul album de sa discographie dont la résurrection n’aura tenu qu’à un fil.

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Pour comprendre, un retour aux années 60 s’impose. A l’époque, au lendemain de l’assassinat de Kennedy, Earl Hackney fait assoir ses trois fils – David, Dannis et Bobby – devant son écran de télévision noir et blanc pour qu’ils assistent à la prestation des Beatles, invités ce soir là au Ed Sullivan Show. Le déclic a lieu, les trois frangins, également bercés par les influences Motown, tâtonnent la musique de manière autodidacte jusqu’à monter leur propre groupe une poignée d’années plus tard. Ils répètent à tout va, alignent quelques compositions funk et rhythm n’blues qu’ils enregistrent et proposent le plus souvent possible au public. Mais c’est surtout en 1973, après avoir assisté à une prestation d’Iggy & The Stooges, que le groupe décide de s’orienter définitivement vers le rock n’roll et de prôner un message beaucoup plus politique. Death est né, donne de plus en plus de concert et sa démo circule de mains en mains jusqu’à atterrir chez Columbia qui lui offre l’opportunité d’enregistrer un premier album.

l_645e1545ee47484d87aae7370d4aac00C’est alors que les choses se compliquent: Death refusant catégoriquement de céder à la volonté du label qui souhaite que le groupe change de nom, le contrat est cassé, et les trois frangins retournent à la case départ. Enfin pas tout à fait puisque, grâce à l’avance initialement accordée par Columbia, sept titres ont déjà été enregistré, dont deux finissent sur un obscur 45t tiré à 500 exemplaires, distribué gratuitement lors des concerts, et condamné à la seule écoute des heureux collectionneurs. Jusqu’en 2002 ou une compilation intitulée « No One Left To Blame » intègre la face B à son tracklisting, et que le dit 45t se retrouve régulièrement joué en Californie à l’occasion de quelques fêtes. 34 ans plus tard, Bobby se décide alors à dépoussiérer le master pour le faire écouter à son fils, et de fil en aiguille, Drag City Records – en bon archéologue de la musique – offre enfin le destin mérité à « …For The Whole World To See ».

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Bien lui en a pris car, à l’écouter, tout porte à croire que Death, calé dans sa bonne ville de Detroit, avait bel et bien sa place parmi les acteurs de l’époque, devenus aujourd’hui mythiques. Bercés donc par les Stooges, mais aussi par Hendrix et plus logiquement les MC5, les trois frères semblaient avoir tout compris en se présentant comme le trait d’union entre la Motown qui les a vus grandir et le punk rock qui allait ensuite déferler sur la planète rock. Car, précurseur du genre bien avant les Sex Pistols, The Clash, Ramones et Bad Brains à en croire des titres comme « Keep On Knocking », « You’re a Prisoner » et « Freakin Out », Death est peut être bien à l’inventeur du punk, voire même du pop punk (le refrain de « Where Do We Go From Here »), et renvoie ainsi bon nombre de spécialistes à leurs études. Mais plus encore, ces trois frangins impressionnent par leur diversité et leur liberté de composition, à la fois effrénées (« Rock n’Roll Victim »), bourrées de relief (le bluffant « Politicians In My Eyes »), et feu d’artifice en couleur (« Let The World Turn » et ses multiples rebondissements).

En sortant définitivement ce disque de l’anonymat, Drag City fait tapis: il discrédite les soi disant prêcheurs du rock, propose que « Please Kill Me » soit revu et corrigé, et ajoute un supplément d’âme à une musique polluée par des icônes sans histoire. Death, lui, fait coup double: il réécrit la sienne et celle des autres. Indispensable, cela va sans dire, à tel point que même Mos Def travaille actuellement sur un DVD documentaire sur le groupe.

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