28 Mai 11 Battles – « Gloss Drop »
Album
(Warp)
30/05/2011
Math rock sans calculette
Battles, victime de son talent. C’est ce qu’on serait tenté de se dire en retraçant l’histoire de ce groupe, mis sur pied il y a bientôt dix ans sur les seuls leitmotivs du plaisir et de la curiosité de voir ce que pourrait donner le mariage de musiciens expérimentés, issus d’univers totalement différents. Depuis 2002 donc, le combo aura sorti plusieurs Eps, mais un seul album : ce « Mirrored » ayant vu le jour en 2007, qui propulsa les Américains parmi les formations les plus inventives, intrigantes et passionnantes de leur époque. Trop vite peut être au goût de Tyondai Braxton qui, comme dépassé par les évènements et buté sur la raison d’être originelle du groupe, a décidé de se faire la malle au cours de l’enregistrement de ce « Gloss Drop », laissant par la même occasion ses trois compères sous le feu des interrogations. Une notamment: Battles allait-il pouvoir se relever et tenir son rang sans son multi instrumentiste? Réponse par l’affirmative une fois ce deuxième album écouté et digéré.
Car, à tort, beaucoup pensaient que Braxton était la figure emblématique du groupe, son centre névralgique. C’était quelque peu sous-estimer l’immense talent des trois cerveaux restants qui, alors que le temps leur était compté et que ce coup du sort inattendu aurait pu leur mettre du plomb dans l’aile, ont finalement fait de « Gloss Drop » un disque non seulement réussi, mais qui surpasse son excellent prédécesseur. C’est dire. Plus accessibles (le single « Ice Cream », « Sweetie & Shag »), aux idées cette fois mieux rangées, Stanier, Williams et Konopka parviennent sans mal à conserver l’essence de leur registre, pour ne pas dire leur raison d’être : la complexité de leurs compositions, la multitude de rythmes auxquels ils ont sans cesse recours, et cette infinie liberté qui pousse leur math rock à toujours flirter – subtilement, jamais de façon grossière – avec la pop, l’electro ou l’afrobeat.
Il y a pourtant une chose que Battles ne sait pas faire sans Braxton : chanter. Ainsi, en se contentant du format trio et pour pallier à cette faiblesse, le trio invite en certaines occasions quelques voix à venir enrichir ses nouveaux travaux. Parmi elles, celles de l’infatigable britannique Gary Numan (un des pionniers de l’electro), de Kazu Makino (Blonde Redhead), du barré Yamantaka Eye (Boredoms) et de Matias Aguayo, tous n’ayant pu refuser ce défi de poser leur chant avec assurance sur les morceaux mouvants de Battles. Pourtant, comme pour remettre définitivement les pendules à l’heure, c’est quand il est en petit comité, face à lui-même, que le groupe fait le plus d’étincelles ici.
En effet, si on se souvient encore de « Mirrored » pour ses magnifiques « Atlas », « Tonto » et « Leyendecker », « Gloss Drop » fera aussi date grâce à une poignée de morceaux qu’on piaffe d’impatience d’entendre en live : l’ouverture en quatre phases naturellement enchaînées de « Africastle » , ce « Inchworm » partagé entre des airs de batucada et d’orgue de barbarie, le dopé « Wall Street », mais surtout l’énorme « Futura » opposant guitare et synthé autour d’une mélodie aussi simple qu’imparable, narguée par une rythmique jamais à court d’un contre temps ou d’un décalage soudain. Tous soulignent pourtant le seul défaut de ce disque : celui d’avoir placé ses titres les plus efficaces et immédiats dans sa première moitié, laissant à la seconde d’autres plus cérébraux qui auraient clairement pu plomber l’affaire sans la présence en fin de course de « White Electric », autre pilier de cet opus. On en doutait mais, en secret, on l’espérait fortement : « Gloss Drop » est un deuxième grand classique signé par trois musiciens pour le moins imaginatifs.
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