Arcade Fire – ‘Reflektor’

Arcade Fire – ‘Reflektor’

Album / Barclay / 28.10.2013
Feu d’artifice

Pendant trop longtemps, pour qui n’avait pas saisi l’importance d’un album comme ‘Funeral’, Arcade Fire ne fut qu’une bande de ploucs à bretelles ayant un jour osé marier violons, pianos et guitares pour le bien d’une pop folk terroir. Jusqu’à ‘The Suburbs’ qui sonna pour les canadiens l’heure de la reconsidération: celle d’un groupe de rock essentiel qui n’envisage pas la musique pop autrement qu’en la faisant sans cesse évoluer. Avec ‘Reflektor’, complexe et ambitieux, Win Butler et sa bande poursuivent leurs propres expérimentations pour livrer un album appelé à traverser les générations. Le groupe y donne – sur le fond comme sur la forme – une leçon de maitrise totale, de maturité époustouflante, sans jamais tomber dans la surenchère, la prétention, le perfectionnisme outrancier, encore moins le mauvais goût: un équilibre rare, réservé à des musiciens ayant su prendre conscience de la valeur de leur liberté et qui, à défaut d’inventer véritablement, parviennent à magnifiquement transformer l’existant.

Ainsi, durant 80 minutes partagées en deux parties bien distinctes mais ô combien essentielles l’une pour l’autre (d’ou ce choix de pochette peu anodin), Arcade Fire – fort des conseils d’arrangements de Chris Blackwell et de la science rythmique de James Murphy (‘It’s Never Over (Oh Orpheus)’) – pioche généreusement dans le disco, la synth pop, l’electro et le krautrock pour faire tourner les têtes, et offrir une couleur nouvelle à un registre soudainement frappé d’un peu plus de joie de vivre (‘You Already Know’). Mais c’est surtout l’ombre d’Haïti – pays d’origine des parents de Regine Chassagne – qui plane constamment sur ce nouvel album, conséquence inéluctable d’une tournée qui a laissé des traces dans les esprits. En attestent ces récurrentes rythmiques afro-caribéennes, fil rouge parmi d’autres promettant à ‘Reflektor’ de ne pas finir en patchwork sans queue ni tête. C’est donc le plus subtilement du monde que, en bon guide assumant le moindre risque pris, Arcade Fire embarque l’auditeur pour un voyage musical rétro-futuriste ou l’imprévisible et l’improbable avancent avec cohérence et intelligence.

En second de cordée, le chant de Regine Chassagne prend un peu de recul au profit de celui de Win Butler, pour ‘seulement’ se contenter d’interventions redoutables d’efficacité, majoritairement en français s’il vous plait (‘Reflektor’, ‘Joan Of Arc’, ‘It’s Never Over (Oh Orpheus)’). Un vent de nouveauté qui n’est rien comparé à la bourrasque traversant cet album: porté de bout en bout par un groove imparable, Arcade Fire se danse, délibérément. Il se chante aussi, évidemment. Entre quelques titres plus embués (le dubisant ‘Flashbulb Eyes’, ‘Here Comes The Night Time II’), quelques tubes évidents viennent donc poser leur pierre à l’édifice. Parmi eux, le funky ‘We Exist’ à la ligne de basse aussi efficace que celle de ‘Billie Jean’, l’électrique ‘Normal Person’, le parfaitement typé ‘Joan Of Arc’, et cet ‘Awful Sound (Oh Eurydice)’ aux accents gospel pop. Puis, sur les traces de ‘Reflektor’, premier single à tiroirs comme frappé du sceau LCD Soundsystem, il y a les hymnes: le bipolaire ‘Here Comes The Night Time’ et surtout l’imparable ‘Afterlife’ qui, en fin de course, souligne avec magie que le Arcade Fire des débuts est toujours bel et bien là. Il a juste changé, maintenant qu’il mérite définitivement sa place parmi les plus grands.

‘Reflektor’, ‘We Exist’, ‘Here Comes The Night Time’, ‘Joan Of Arc’, ‘Afterlife’


2 Commentaires
  • BenGrafhit
    Posté à 14:25h, 31 octobre Répondre

    Le seul bémol que je mettrai à cette chronique c’est la piste cachée qui ne sert à rien, et il y a bien 6 minutes de « Supersymmetry » inutile aussi, sinon c’est un sans faute.

  • Tweek
    Posté à 15:23h, 04 novembre Répondre

    J’ai beau me forcer à écouter attentivement les différents albums… Je ne comprendrai décidément jamais pourquoi tant d’enthousiasme autour de ce groupe.

Poster un commentaire