
11 Juil 22 Zola Jesus – ‘Arkhon’
Album / Sacred Bones / 24.06.2022
Post-A-Pop
Les titres d’albums de Zola Jesus synthétisent les atmosphères qui président à leur composition. Ainsi, Okovi (2017) signifiait ‘les fers’ en Croate, comme pour souligner son caractère écrasant et ses suffocations sonores. Arkhon vient du grec ancien et, selon les interprétations, tient autant du pouvoir que de la divinité corrompue, visant à ternir l’harmonie humaine.
Pour se libérer des chaines d’Okovi, Nika Rosa Danilova a décidé de ne plus faire cavalière seule. Un besoin de regard neuf et une nécessité de collaboration l’ont conduite à être doublement épaulée pour la confection de ce nouvel album, lui aussi sorti chez Sacred Bones, label qui la suit depuis ses débuts. Ainsi, Randall Dunn (Sunn O ))), Anna von Hausswolff) s’est vu confier la production, tandis que le batteur et percussionniste Matt Chamberlain (qui a accompagné à peu près tout le monde, de Bob Dylan à Bowie en passant par Lorde et Kanye West) se voyait attribuer les importantes parties percussives du disque.
La bascule de Okovi à son successeur Arkhon est réelle : changement d’ampleur, d’échelle, et d’univers. À l’instar des grottes de Cappadoce en Turquie qui servent de décor au visuel et au tournage du clip de Lost, le son de ce nouvel album a quelque chose de minéral, d’organique. L’opus s’ouvre sur un rythme soufflé, et la richesse des percussions de Chamberlain habille dès l’introduction l’univers souterrain de Danilova par ses scansions nouvelles. La production, elle, offre beaucoup d’espace, caverneux qui plus est : une forme d’abri souterrain suffisamment ample pour être respirable. ‘Give me space to disappear‘, chante-t-elle d’ailleurs dès l’entame du disque.
Ici, la voix de Danilova est souvent traitée comme un instrument, par adjonctions de couches successives en chorale (Into The Wild), par des jeux de modulations électroniques (l’intro de The Fall) ou par simple réverbération. Les percussions ont quelque chose du rituel, de la procession. La magie opère ou non : on peut être opaque à cet univers, mais les questions de magie, d’occultisme ou de méditation constituent un tel point nodal de l’esthétique de Zola Jesus, que l’écoute de l’album nécessite une immersion sans à priori, un regard sans préjugés amusés sur ce qui peut paraitre comme des poncifs gothiques, pour être appréciée à sa juste valeur. Une fois cet effort immersif accepté, l’auditeur se laisse aisément planer avec un plaisir réel au sein des aspérités rocheuses de l’album.
Arkhon est en effet de la catégorie des growers, dont les subtilités se découvrent au fil des écoutes. S’il n’aura pas le caractère catchy qui pousse à monter le son, il est – en bon album immersif – de ces productions qui nécessitent un bon casque et le coup de pouce d’éventuels stimulateurs perceptifs pour y plonger tête baissée. Il est évident qu’il en troublera plus d’un, par son lyrisme marqué, son caractère gothique parfois surligné, ou par l’ampleur de sa production à laquelle l’artiste ne nous avait pas habitué jusque là. Mais n’est-ce pas l’apanage des esthétiques réellement nouvelles que de déstabiliser, de rompre avec le confort des attentes ? Car Zola Jesus se situe précisément là où on ne l’attend pas, préférant se perdre dans les méandres sonores et organiques d’une production en calques successifs que de rejouer les opérations soniques qui constituaient auparavant sa singularité. Une ouverture déstabilisante mais assurément réussie.
A ECOUTER EN PRIORITE
Lost, The Fall, Desire
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