
21 Avr 20 Yves Tumor – ‘Heaven to a Tortured Mind’
Album / Warp / 03.04.2020
Glam rock
Passé maître dans l’art de la métamorphose et de la transformation, Yves Tumor laisse depuis quelques temps derrière lui une longue traîne d’imprévisibilité et d’affranchissement, à mesure que ses albums vibrent de nouvelles nuances, démultipliées par les ruptures et les pas de côté qu’il s’empresse d’y insuffler. Deux ans auparavant, Safe In The Hands of Love rompait déjà de nombreuses amarres avec les collages étranges de Serpent Music, qui oscillait – lui – entre noise, trip hop accidenté et ambient. Plus frontal, l’américain esquissait à l’époque les traits d’un portrait en devenir, celui d’une rock star que l’on pressentait à travers plusieurs signes : une voix claire mise en avant pour de bon, quelques singles étrangement accrocheurs, et une guitare qui venait trouer par moments les dernières accointances expérimentales, symbolisées par les contributions des artistes Puce Mary et Croatian Amor.
Aujourd’hui totalement affranchi des cris et des barbelés, Yves Tumor livre son album le plus décomplexé, celui où il embrasse à pleine bouche le rock et ses clichés de sensualité, de puissance et d’autodestruction, s’en faisant une incarnation toute personnelle. Maître de cérémonie plein d’apparats et de masques, il s’empare tout au long d’Heaven To A Tortured Mind, d’un genre qu’il s’évertue à faire vibrer et exploser, à l’image des feux d’artifices qui se font entendre au début de Dream Palette. A l’instar de ces petits crépitements euphoriques, chaque morceau semble ici réglé sur sa propre minuterie intérieure, uniquement animé par un désir d’implosion et un souci de pureté, l’atteinte de ce ‘moment’ intrinsèquement figé et parfait. Les soli et envolées qui déchirent les voix entremêlées des superbes Dream Palette et Kerosene ! en sont l’incarnation parfaite.
Au delà de ses pics, l’album est aussi la confirmation d’un talent surdoué, qui applique de nouveau ses petits collages à des formes et relectures nouvelles qui vont s’épanouir aussi bien du côté de la soul (l’ouverture Gospel For A New Century), de la new wave (l’écho des voix sur Folie Imposée), que de la britpop (le ton plein de morgue de Medicine Burn). Tissé dans une esthétique du fragment, chacun des morceaux rejoint le monde dense et post-identitaire d’un artiste soucieux de réintroduire complexité et ambivalence dans une frange essentielle de la musique populaire.
A ECOUTER EN PRIORITE
Gospel For A New Century, Identity Trade, Kerosene!, Dream Palette, Folie Imposée
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