Young Jesus – ‘Shepherd Head’

Young Jesus – ‘Shepherd Head’

Album / Saddle Creek / 16.09.2022
Folktronica

Young Jesus, c’est d’abord une personne, et une voix. Celle de John Rossiter qui, avec Shepherd Head, en est déjà à son sixième album, dont quatre sur le label Saddle Creek, maison mère de Hand Habits, Tomberlin et nid de naissance de Big Thief.

Près de deux ans après le très beau Welcome To Conceptual Beach dominé par le couple guitare voix, et sur lequel on sentait déjà une appétence pour les arrangements insolites, Rossiter propose avec ce nouvel opus une aventureuse plongée dans des profondeurs résolument nouvelles. Dès l’intro de Rose Eater, l’enregistrement semble en basse résolution, comme capté par un téléphone, laissant planer une ambiance très D.I.Y. qui s’évapore au bout d’une minute avec un piano et l’envergure des percussions. On sent un travail d’orfèvre sur ces tessitures de son sur lesquelles la voix de Baryton du Chicagoen d’origine, toujours aussi touchante, vient se poser.

Young Jesus aime prendre son auditoire par surprise, et les essais antérieurs de jeux de sonorités ou arrangements improbables deviennent ici une marque de fabrique. Les alternances de rythmes, qui passent d’une batterie lente et orchestrale à d’autres plus saccadées en double croches vont dans ce sens, tout comme les changements d’ambiance, de la complainte triste au dancefloor : on se demande même parfois si l’on écoute bien, en fin de morceau, le même titre qu’à son lancement.

La recherche de nouveaux horizons musicaux est donc l’une des caractéristiques de ce nouvel album. Pas étonnant dès lors qu’il soit fait appel à des featurings, qu’il s’agisse de sa coloc de label Tomberlin sur Ocean et Gold line Awe, ou du multi-instrumentiste et compositeur de musique électronique Arswain sur Believer. Autant d’invitations qui viennent élargir le terrain de jeu. Sur le premier titre avec Tomberlin, la quintessence folk des deux projets se trouve mêlée, en harmonisant les deux dans une ambiance colorée dont les sonorités rappellent les premiers albums de Cocorosie, partageant leurs caractères vaporeux et les petits sons de jouets d’arrière-plan. Les deux autres collaborations marquent et soulignent un autre tournant de l’album, à savoir ce virage en faveur des sons ou effets électroniques (Satsuma, Believer) et de rythmiques plus dansantes (Johno, Gold Line Awe).

De la même manière que les différentes résolutions de sons, de rythmes, ou d’arrangements (avec une mention spéciale aux flûtes du titre éponyme Shepherd Head), le traitement de la voix est lui aussi sujet à manipulation, que le texte soit lu ou autotuné sur Gold Line Awe ou Satsuma, ou lu et pitché en version grave sur le très expérimental A Lake qui clôture l’album. Tout semble ici interrogé, questionné, et sujet à être traité, comme si Young Jesus s’était découvert une nouvelle passion pour les machines et découvrait l’étendue de leurs possibilités.

Exploration amusée et curieuse, donc. Présenté comme un album de retour à la confiance et à l’apaisement, Shepherd Head semble surtout être celui de l’affirmation d’une identité nouvelle qui, si elle se présente comme plus apaisée, apparaitra à l’auditeur comme fourmillante de possibilités et de créativité électronique. Si l’on peut trouver balbutiantes quelques unes des expérimentations propres aux chemins escarpés des découvertes, le socle vocal et l’assise émotionnelle qui font les forces de Young Jesus restent inébranlables. Ce virage sonore de l’artiste exilé à Los Angeles est donc une très bonne nouvelle tant elle recèle de promesses dont on se plait à penser que les plus beaux titres de Shepherd Head ne sont qu’un aperçu.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE

Rose Eater, Ocean, Shepherd Head


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