
20 Mai 22 Yeun Elez – ‘Yeun Elez’
Album / Teenage Menopause / 20.05.2022
Dark folk
La mort est une grande source d’inspiration pour le belge Hoel Moce. Il avait déjà consacré le dernier album de Techno Thriller au Décaméron : une chronique en dix textes du Florentin Boccace, décrivant la propagation de la Grande Peste de 1352 dans sa ville. Aujourd’hui, elle flotte à nouveau sur son projet solo, Yeun Elez, du nom de marécages au cœur des monts d’Arrée, en Bretagne. Dans ce pays de contes et légendes, les personnes âgées étaient terrorisées lorsqu’elles entendaient une roue de charrette grincer, elles craignaient que ce ne soit l’Ankou, le faucheur de vie, venant annoncer un décès imminent.
Ce nouveau disque nous happe instantanément dans une dimension inconnue, à la frontière du réel. Sommes-nous au purgatoire ? Dans une brume synthétique, on entend des bruits lointains et furtifs, et puis la voix de Moce intervient, fantomatique. Il est question d’un pasteur tourmenté par l’amour et la haine, avant que Robert Mitchum ne chante au clair de lune, extrait du chef d’œuvre La Nuit du Chasseur. Entre limbes électroniques et folk médiéval, l’amour et la mort virevoltent, de la ritournelle des Amours Fanées à cette splendide balade dans l’Yeun Elez, accompagnée de Lou Savary. Et toujours, ces voix lointaines qui habitent les compositions, s’accrochent aux vivants, et ce vent qui souffle depuis l’au-delà. Les références sont ici multiples, tant musicales que cinématographiques. On peut penser au folk de Current 93 dont la mort est également un thème récurrent, mais aussi aux Drinking Songs, compositions hantées de Matt Elliott, qui naviguent de la même façon entre deux mondes. Mais là où l’œuvre du Britannique est empreinte d’un spleen profond, celle de Hoel Moce ne se laisse pas envahir (les vrais mélancoliques sont d’une passivité complaisante), elle va à la rencontre, comme par fascination, passant la porte des damnés de son plein gré. D’ailleurs, on peut se poser des questions quant à la présence, ici en cinquième piste, de Vive la Mort, un texte de Chaval lu par Claude Piéplu, adapté sur des sonorités lugubres, avec de belles voix féminines en arrière plan. ‘Vive la Mort. J’ai la conviction que les morts sont les gagnants …’… Faut-il le prendre au premier degré ? Second ? Nihilisme ? Provocation surréaliste ? Toujours est-il que l’auteur original a fini par se suicider, en apparent accord avec ses écrits.
Les textes dépressifs se succèdent, de Falling In The Grey Sky à L’Etang de Feu, récit d’une fin déclamé avec lucidité, sous un orage de Yeun Elez. La région, ses arbres tortueux, les vapeurs des tourbières semblent avoir un un grand effet sur Hoel Moce qui a composé cet album là-bas. Voilà un recueil de berceuses pour l’éternité qui vient encore alimenter les contes et légendes locales.
A ECOUTER EN PRIORITE
Yeun Elez, Deux écus en or, Les Amours fanées
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