Yard Act – ‘The Overload’

Yard Act – ‘The Overload’

Album / Island / 21.01.2022
Post punk

Crise économique ? Climatique ? Sociale ? Sanitaire ? Aucune raison de se réjouir à l’horizon ? Yard Act ne se résigne pas et balance son antidote à la morosité, sûrement le plus efficace à ce jour. Vivre sous cloche a permis à ce quatuor anglais de soigner sa fièvre pop-rock, et de nous prescrire ce remède fait de grands riffs enthousiastes, d’un flow brûlant et d’une ironie propre à refouler tous les cynismes.

Yard Act, c’est un peu Mark E. Smith (The Fall), Franz Ferdinand et Sleaford Mods qui seraient coincés dans un film de Ken Loach. Ça donne une sorte de colère aussi héroïque que vaine, un regard acerbe sur l’époque et des maux auxquels on ne peut survivre que par l’ironie, avec ce risque ultime de produire l’album le plus plombant de 2022. Heureusement, le quatuor trouve mille façons de transformer le plomb en or, pour faire de The Overload un très grand disque rock de ce début d’année, en jouant notamment avec les clichés et les paradoxes.

L’album est une comédie musicale qui aurait dû s’appeler initialement The Yard Act Musical. Un peu convenu… Le groupe a opté pour une narration d’un seul tenant, même si son histoire est divisée en trois actes. En guise d’intro, le narrateur de The Overload dresse le constat, dans un pub, de l’incommunicabilité croissante des consommateurs entre eux, et de la montée des idées toutes faites. Fuyant le pub, il se confronte aux épouvantails de la nouvelle Angleterre (Dead Horses), son Brexit, l’illusion de l’argent facile. Payday insiste sur la brutalité du capitalisme, de ses effets invisibles et dévastateurs. Rich, à la première personne cette fois, est une logorrhée (exercice de style avec 25 fois le mot Rich) sur la tentation de la facilité, les peurs, la course vers le toujours plus.

Le second acte apporte les ‘grains de sable’. Pas de quoi gripper la machine (The Incident), on ferme les yeux, on rejette la faute sur les autres (Witness), on invente des arguments et on feint l’ignorance pour chasser l’anxiété (Land Of The Blind). Le dernier acte est celui des effondrements, évidemment. Certains se trouveront condamnés (Quarantine The Sticks), réfléchiront longuement à tout ce qui fait une vie (Tall Poppies), avant le final, la libération résignée et contemplative (Pour Another) devant tout ce qui est à faire et ne se fera jamais (100% Endurance). Rien de bien nouveau depuis Tommy des Who en somme, ni dans le propos, ni dans la forme. Alors pourquoi ça marche si bien ? Probablement parce que le groupe maîtrise idéalement l’art du contrepied : quand la promo s’évertuait ces dernières années à nous vendre du post-punk (Shame, Idles…), puis un hybride math-punk (Squid, Black Midi…), elle nous offre cette année un quatuor dont les références sont autant les Beastie Boys que les Stranglers, et produit un son aussi teinté de hip-hop énervé que de disco-pop joyeuse.

Passé l’étonnement, on se laisse séduire par l’écriture du chanteur, James Smith, et son plaisir communicatif à déclamer sans interruption des tirades beaucoup plus subtiles qu’elles n’y paraissent. On est encore convaincu par le lien évident qu’il entretient avec son ancien colloc, le bassiste Ryan Needham, qui brode sur mesure des mélodies efficaces, parfois  inattendues, souvent à rebours de l’atmosphère lourde du propos, imposant autant l’ironie et la dérision qu’une forme de désespoir et d’humiliation. Yard Act varie les plaisirs au fil des titres pour mettre en relief les besoins de la narration. Riffs et rythmique désordonnées, voix entremêlées, posent l’ambiance brumeuse des pubs de The Overload, tandis que la rythmique plus disciplinée de Dead Horses souligne le pas décidé du marcheur. A ces titres déjà bien addictifs succède Payday, premier morceau de bravoure porté par une basse destructrice soulignés ça et là par des machines furieuses. En trois titres et un acte, Yard Act a imposé son identité, et n’a de cesse de la confirmer sur les titres suivants. On retrouve ainsi la rage pop-rock contagieuse dans The Incident, Quarantine The Sticks ou l’imparable Pour Another, l’influence des Beastie Boys sur l’impeccable Witness, et des ballades enfumées de Land of the Blind ou 100% Endurance.

The Overload ressemble bien à nos cerveaux soumis aux injonctions contradictoires de ces derniers mois : l’album est traversé par toutes les émotions, du plus grand enthousiasme à la plus grande résignation. Et c’est probablement sa force ultime : en se faisant l’écho de nos passions tristes, il en devient le baume le plus puissant.

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A ECOUTER EN PRIORITE
The Overload, Dead Horse, Payday, Witness, Pour Another

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