Woods – ‘Love is Love’

Woods – ‘Love is Love’

Album / Woodsist / 21.04.2017
Folk psyché

Nous descendîmes dans les rues et grimpâmes dans des trains, portant nos visages comme des masques de peur. Comme nous ne savions pas comment réagir, c’est tous ensemble que nous ne réagîmes pas. Nous fîmes le deuil d’un idéal que l’on croyait impérissable. Nous fîmes le deuil de nos certitudes‘. Ainsi se présente le dernier album de Woods, ‘Love Is Love’, introduit solennellement par Sam Hockley-Smith, critique à The Fader. De cette introduction, on apprend que c’est la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles des Etats-Unis d’Amérique qui a incité le groupe à rompre le rythme usuel de production d’un album tous les un à deux ans. Et c’est effectivement, semble-t-il, cet écroulement des certitudes qui est à l’origine de ces six titres, longues balades oscillant entre pop et psyché, écrites et enregistrées d’une traite, dans l’urgence mais non dans la précipitation. Un disque pas si différent des autres et qui, comme ses prédécesseurs, regorge d’idées harmoniques et texturales, reposant sur un enregistrement et un mixage impeccable, à ceci près que, comme le laisse présager la diligence de la production, l’auditeur à encore plus l’impression d’écouter une jam organisée. Une jam, ou plutôt une méditation, puisque c’est le terme qui revient le plus souvent dans la bouche du chanteur et compositeur au falsetto mystique, Jeremy Earl. Pas étonnant alors que le mantra ‘Love Is Love’, en plus de donner son nom à l’album, soit également le titre de la première et dernière chanson. Espère-t-il qu’en psalmodiant encore et encore cette maxime, celle-ci prenne une vertu performative, et invite les gens à redonner un sens au mot amour ? Ou bien est-ce, au contraire, un aveu d’échec, celui de l’art à dire quoi que ce soit d’événements qui lui échappent ?

Malgré le ton globalement optimiste de l’album, c’est malheureusement ce sentiment d’aporie qui prédomine. Aussi cathartique qu’il ait pu être pour ses auteurs, ce disque a bien du mal à marquer l’auditeur – ce qui est regrettable quand on sait l’importance du sujet qu’il tente de traiter. Il pèche ainsi de trop vouloir essayer, à l’image du morceau ‘Bleeding Blue’ ou les cuivres rappelant ‘The Final Countdown’ d’Europe achèvent de décrédibiliser une démarche, à n’en pas douter, sincère. D’aucuns feront justement leur miel de cette spontanéité qui donne une certaine sympathie à l’album. D’autres retiendront un message de bienveillance, qui l’emporte sur l’affolement ou la colère et qui donne toute son originalité à ‘Love Is Love’. Reste que ce qu’on attend d’une oeuvre, surtout dans un tel climat politique, est de porter un regard, de livrer un message sur la situation qu’elle entend traiter. Cette incapacité apparaît toute entière dans la tautologie contenue dans le titre : l’amour est amour, et après ? Finalement, c’est malgré lui que cet album est révélateur : mieux que le pamphlet qui l’accompagne, ou les paroles qui le jalonnent, sa difficulté à construire un regard sur l’investiture de Trump témoigne de la sidération du peuple américain quant à cet événement.

Mais comme tous bons artistes, même sur un album un peu moins réussi comme celui-ci, les Woods nous offrent malgré tout quelques moments de grâce. ‘Lost In A Crowd’ parvient, comme le ‘Hurricane’ de Dylan auxquels il doit ses claviers déchaînés, à transformer l’inquiétude en allégresse, tandis que ‘I Hit That Drum’ – avec son délicat crescendo à la Bon Iver – invite à de nouveaux départs. Mais le pinacle de l’album est sans conteste une tirade instrumentale, ‘Spring Is In The Air’, qui sans un mot et sur 9’55 dit plus que tous les autres morceaux de l’album réunis. Avec son bourdon hindouïsant et sa basse-batterie tirant sur l’Ethio-jazz, il parvient à créer cet espace méditatif qui permet de pallier l’ineffable, de dire l’indicible, et qui agit comme une panacée efficace contre les maux politiques. Nonobstant tous ses défaut, ‘Love Is Love’ est loin d’être un album honteux. C’est simplement le fruit d’une désillusion qui a tout au moins le courage de lutter contre un cynisme si facile à embrasser.

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
‘Lost in a Crowd’, ‘I Hit That Drum’, ‘Spring is in the Air’


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