
29 Sep 23 Will Butler + Sister Squares – ‘Will Butler + Sister Squares’
Album / Merge / 22.09.2023
Indie rock
Trois ans après le politique et percutant Generations, Will Butler revient entouré d’un nouveau groupe – ou presque – pour officialiser son départ de la maison-mère. Ex-membre de la cavalerie Arcade Fire, et surtout frère de son leader, le trublion le plus fantasque de la formation avait annoncé en effet, il y a un an et demi de cela, vouloir désormais se concentrer pleinement sur son propre projet solo, entamé en toute discrétion en 2015 avec l’album Policy. Un choix qui s’incarne aujourd’hui comme le prologue d’une échappée belle plus resplendissante que jamais.
Formé par sa femme Jenny, sa belle-sœur Julie Shores, l’ex-star de Broadway Sara Dobbs et l’artiste pluri-disciplinaire Miles Francis (Antibalas), le groupe répondant au nom de Sister Squares est en fait le live band accompagnant le projet de Will Butler depuis ses débuts. Une alchimie efficiente donc, mais surtout un nouvel élan puisque ce disque est le premier signé sous la dénomination de cette alliance. Plus arrangées, savamment produites et peut-être aussi mieux défendues dans l’interprétation que ses deux précédents efforts, les quatorze compositions du disque déroulent un tapis rouge aux univers composites et colorés des cinq artistes. Mêlant influences acoustiques, électriques et électroniques dans une polyphonie de voix, de chœurs et des sons d’où s’extirpent des corps toujours dansants, il est bien difficile de résister à l’appel hédoniste – mais parfois aussi plus troublant et intimiste – de ce déferlement créatif.
Outre les voix, toujours sur le fil, où les cris de joie et d’espoir se muent en chant comme sur Stop Talking, Long Grass ou Arrow Of Time, ce sont vraiment les percussions, avec la contribution remarquable de Miles Francis, également co-producteur du disque avec Will Butler, qui donnent à l’ensemble une vivacité et une frénésie rare. Les rythmiques hip-hop, gentiment rodées sur le précédent opus, prennent ici leur envol sur des titres comme Sunlight, Old Year ou encore avec le groove downtempo, heavy et anxiogène de Me & My Friends. Un titre mutant, ponctué de basses vibrations et de discrètes insertions instrumentales, qui bascule vers le pénétrant Saturday Night aux accents house avec son refrain plus poppy que jamais, qui nous rappelle que les canadiens sont certainement les seuls à pouvoir vraiment nous faire accepter et aimer des refrains pleins de ‘na na na na na’ sans tomber dans la guimauve et le ridicule. Les gimmicks mélodiques obsédants sont alors légions et les influences, très larges, relèvent parfois de la dystopie ou du fantasme. On pense par exemple à Ligeti, sur le surprenant et métronomique Good Friday, 1613, ou à une sorte de gospel du futur sur Hee Loop, dans un monde où James Smurphy serait le leader du LSD Soundsystem. Fièvre hypnotique, fulgurances psychédéliques et percées orchestrales s’articulent ainsi à merveille autour de la basse, instrument fétiche du canadien. Des arrangements qui s’effacent parfois au profit de la sobriété comme sur Car Crash, dans le trip cinématographique de I Am Standing In A Room ou dans la vibrante et lunaire conclusion The Window, qui se paie le luxe de convoquer une version décharnée de la fameuse Étude no. 3 de Chopin, bien-nommée Tristesse, laissant transparaître derrière les néons les larmes et la mélancolie.
Le tout surplombé par le sens imparable de la mélodie de Will Butler, de celles qui trottent dans la tête longtemps après l’écoute, avec ces fragments qui surgissent et percutent au détour d’une pensée, d’une vision. Un art et un savoir-faire qui poussent à l’analogie, un peu comme si les sommets de Metronomy rencontraient la folie dadaïste et groovy de David Byrne. C’est donc un disque flamboyant, fantasmagorique, à chanter à tue-tête et qui, tutoyant ainsi le Beau Bizarre, appose directement cette question sur nos lèvres : et si nous tenions là rien de moins que le meilleur album pop qu’il nous ait été donné d’entendre cette année ? Les paris sont ouverts.
A ECOUTER EN PRIORITE
Stop Talking, Long Grass, Me & My Friends, Arrow of Time, Hee Loop
Pas de commentaire