Why The Eye ? – ‘Inspirex’

Album / Exag / 04.10.2024
Experimental tribal

Fort d’un premier essai remarqué en 2017, le quatuor bruxellois Why The Eye ? fait son retour avec Inspirex, disque aussi inspirant qu’inspiré. Basé sur le même modèle que son prédécesseur, soit un assemblage de morceaux denses et évolutifs entrecoupés de petits interludes, cet objet d’art quasi brut joue cette fois-ci la carte d’une certaine forme de concession sans toutefois revenir sur la radicalité de ses fondations. Poussant plus loin la production avec des sons plus précis et un mix limpide, il ne renie pas pour autant ses influences noises et tribales pour un voyage aux confins des mondes (in)connus.

Si le groupe favorise l’utilisation d’instruments de sa propre conception (artisanale, forcément), l’ambition dansante et électronique de l’ensemble nous plonge dans le meilleur de la scène indépendante actuelle, entre influences post-punk et ambitions noises. JNSP rappelle ainsi Party Dozen ou Deadletter, tandis que l’aspect quasi trap de La Machine entraîne dans son groove imparable des flots de paroles à peine perceptibles, jetées en français dans le texte. Vraie nouveauté dans l’univers de la formation, le choix de la voix et de la langue ancre sa musique dans une autre sphère, sans toutefois savoir si cela est un véritable atout ou simplement une sorte de conformisme. Le projet lorgne ainsi, dans ses plus belles fusions, vers les délires des extra-terrestres de Henge ou les bricolages et les costumes tout aussi loufoques des Residents (le nom du groupe en lui-même n’est-il pas d’ailleurs une question adressé à ces illustres parrains ?). Son refus d’adopter des formes évidentes ne l’empêche pas alors de développer une réelle cohérence et d’emmener l’auditeur vers un labyrinthe aussi foutraque que jouissif. Ainsi serons-nous guidés par les sons, ou plutôt les vibrations ; celles des percussions, des pulsations, des énergies frénétiques, avec son fatras d’influences et d’éléments d’origines diverses et variées (drum’n’bass, free jazz, synth punk, no wave). Moins convaincant sur l’épuisant Où Cours-Je ? malgré sa belle progression, tout comme sur le dispensable Animal, Why The Eye ? semble s’inscrire dans un monde où La Jungle serait un territoire loin de lui être totalement étranger. Comme une forme de signature made in Belgium, dans sa dimension la plus dadaïste.

Tel un troupeau d’une espèce inconnue déferlant sur les plaines d’une humanité dévastée, Inspirex trouve alors son équilibre entre le chaos, les forces mystiques issus des cultures traditionnelles et de nouvelles facettes, plus étonnantes, comme ces envoûtantes Prairies qui rappelle jusqu’à Odezenne. Il reste sinon toujours la danse, la transe et l’hédonisme ; une base plutôt solide pour bâtir un nouveau monde.