Where You Are – ‘Where You Are’

Album / Cranes Records / 21.10.2022
Indie emo

On ne sait strictement rien de Where You Are. Seul un doute plane sur son origine berlinoise, bien qu’aucun n’y mettrait sa main à couper. Une chose est sûre pourtant depuis 2020 et deux premiers titres parus en guise de mise en bouche : ce trio – parce qu’il sonne ainsi – a été manifestement marqué par toute l’émulsion indie rock qu’ont connu les années 90, à tel point qu’on jurerait ce premier album éponyme être une réédition de l’époque. Tout a été parfaitement retenu, et se retrouve ici impeccablement recraché, avec une efficacité décuplée si l’on compare cette nouvelle salve aux aperçus plus musclés proposés il y a deux ans.

Car, dès l’entame Hometown qui ne pouvait faire office de meilleure délimitation au terrain de jeu de Where You Are, sa volonté d’aérer ses compositions saute aux oreilles. Plus sensible, plus emo aussi donc, la direction prise par ces musiciens vient ajouter les noms de Karate ou Mineral à ceux qu’ils revendiquent déjà, à savoir Unwound, Bedhead et Engine Down. Du name dropping certes encombrant, mais qui aide à le situer sur la cartographie du rock indé, et à ne pas en faire pour autant un acteur lambda. Ce serait faire injure à l’inspiration affichée ici qui, même si les ficelles de la nostalgie sont délibérément tirées, résulte d’une formule à l’homogénéité remarquable, malgré ses contrastes et ses humeurs changeantes.

Bien qu’il arpente un genre dont on pense avoir déjà tout entendu, et qu’il montre un grand respect des basiques comme de ses ainés, Where You Are a pour lui assez de talent et de richesse de composition pour ne pas systématiquement tomber dans les schémas pré-établis. Passé le coup d’éclat Hometown donc, dont l’ascension finale aurait pu rendre la suite de l’album bien fade, le groupe alterne moments de finesse et d’autres plus intenses, très souvent reliés entre eux par des mélodies imparables (Standing Apart, Trace). Ce qui – à l’image de Save, Ink Runs Out, Carlson – n’est pas sans rappeler les trois premiers albums de Karate, et laisse supposer que ces trois-là sont soit de jeunes chiots au flair remarquable, soit de vieux loups aux crocs toujours bien aiguisés. Qui qu’il soit, et où qu’il soit, Where You Are ne laisse surtout pas indifférent et donne furieusement d’en entendre plus. Et vite.