12 Nov 24 Westside Gunn – ‘Still Praying’
Album / Griselda / 01.11.2024
Hip hop
L’état du rap est en déliquescence absolue depuis le début de la décennie. Les glorieuses années de la trap des années 2010 sont terminées et ont laissé place à une succession de projets décevants de la part de grands artistes – n’en témoigne cette année l’immonde Insano de Kid Cudi et le pathétique Vultures II de Kanye West et Ty Dolla Sign. Un filon semble néanmoins se développer depuis quelques temps, acquérant progressivement une visibilité relative : celui d’un courant néo boom bap qui renoue avec les inspirations du passé tout en y incorporant une réelle dose de modernité. Parmi les têtes les plus visibles, on retrouve les trois meneurs du label Griselda – Conway The Machine, Benny The Butcher, Westside Gunn. Ce dernier en est le fondateur et propose assurément l’un des univers les plus passionnants du rap récent.
Son nouvel album Still Praying est la suite de la saga entamée quatre ans plus tôt avec Pray for Paris, et succède à la sortie de And Then You Pray For Me sur lequel Westside Gunn abandonnait partiellement son univers traditionnel au profit d’une instrumentation davantage orientée trap. S’il a peiné à faire l’unanimité de par sa longueur (1h15) et son hétérogénéité, son dernier album solo avait le mérite de s’aventurer sur des terres nouvelles et de délivrer plusieurs morceaux particulièrement jouissifs (Kitchen Lights, Ultra GriZelda).
Ici, la parenthèse trap est complètement abandonnée, occasionnant un véritable retour aux sources réussi. Trente-six minutes de boom bap percutant et incisif, enregistré en l’espace d’une journée, produit par une poignée de producteurs qui ont participé à la re-popularisation du genre, notamment ses acolytes de longue date Denny Laflare et Statik Selektah. Au rang des featurings, le constat est le même : sans grands changements. Nous retrouvons ses deux compères de Griselda, Conway et Benny, accompagnés par Stove God Cooks qui avait grandement participé à And Then You Pray For Me, Boldy James qui est l’auteur de l’un des meilleurs albums rap de l’année avec Penalty of Leadership, ainsi que Brother Tom Sos qui était resté jusque-là à la production – et qui délivre un refrain particulièrement accrocheur sur Dr. Britt Baker. Le tout animé par DJ Drama et ses interventions récurrentes, plus mythiques que pertinentes, donnant à Still Praying d’authentiques airs de bonne vieille mixtape.
Il en résulte un album réellement homogène, sans grands défauts ni grands temps forts. Westside Gunn déroule son flow incisif avec sa voix toujours aussi unique sur des instrus parfois percutantes et minimalistes – nous retiendrons à ce titre le diablement efficace Duran Duran –, parfois brillantes et exubérantes (Underground King, Still Praying). En ce qui concerne le contenu, Westside Gunn ne se retient pas de clamer son ambition, sa réussite et sa réputation. ‘My name is my name, that’s all I got / Told granddad’, ‘I’ma reach the top‘. A noter également cette strophe ambigüe que l’on retrouve sur Max Caster et que nous nous passerons de commenter sur le fond : ‘Know n* got locked up by Kamala / Know n* got a free comma from Trump‘.
Révolutionnaire en rien, Still Praying voit Westside Gunn se vautrer dans un fauteuil qu’il connaît trop bien, écartant radicalement les dernières expérimentations auxquelles il a pu s’essayer. Néanmoins, de par sa courte longueur et l’ambiance qu’il tisse, ce dernier album sonne juste, sans le moindre accroc ou dérapage, sans la moindre prise de risques aussi. Reste que l’on s’y vautre volontiers également, sans nécessairement réfléchir ni en avoir besoin.
A ECOUTER EN PRIORITE
Max Caster, Duran Duran, Still Praying, Underground King
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