We Hate You Please Die – ‘Chamber Songs’

Album / NMAS / 20.09.2024
Punk rock

Il y a quelques mois, Chloé Barabé (basse), Mathilde Rivet (batterie) et Joseph Levasseur (guitare) se séparaient de leur leader et chanteur Raphaël Balzary, ‘pour raisons personnelles’. ‘Il nous est maintenant devenu trop dur de continuer ensemble’, pouvait-on lire sur les réseaux en janvier dernier. Un choix courageux pour un groupe en pleine ascension et qui nourrissait de belles ambitions après le remarqué et excitant Can’t Wait To Be Fine sorti en 2021. Pour éviter le gâchis et maintenir la hype naissante, c’est donc à trois et sous le même nom que We Hate You Please Die décide de continuer l’aventure avec Chloé qui assure désormais le lead. Un nouveau départ en forme de sprint, puisqu’à peine deux mois plus tard, sortaient en simultané deux singles énervés – Sorority et Control – dans l’esprit des fulgurances Riot Grrrls exprimant ‘une réelle nécessité de voir les choses avancer pour les droits des femmes partout dans le monde et d’en finir avec cette société patriarcale’.

Un virage idéologique et artistique confirmé sur ce nouvel album, Chamber Songs, écrit comme son nom et la pochette l’indiquent dans la chambre de Chloé et qui nous donne à lire pour l’occasion les pages les plus engagées – et enragées – de son journal intime. Ne nous y trompons pas, si l’introspection est de mise, musicalement, la tension et la friction sont bel et bien palpables. Le bien nommé Adrenaline ouvre l’album dans un souffle punk frénétique qui montre que les rouennais ont choisi la cavalcade et la fuite en avant, plutôt que de regarder derrière eux. Un son plus vif, cinglant comme le vent de décembre, qui met tout de suite le rouge aux joues.

Stronger Than Ever (accompagné d’un clip réalisé par Alexis Magand) prend la suite dans un calme plus relatif et porte en lui les germes d’un hymne fédérateur que pourrait vite s’approprier une génération girl power en lutte contre toutes les injonctions (masculines, familiales, sociales au hasard), épris d’une soif de liberté inextinguible et d’une envie irrépressible de brûler les restes de ce vieux monde. ‘She doesn’t need your validation / She’s gonna be herself / She knows what she’s doing / She feels stronger than ever’, assène Chloé dans ce manifeste que ne renieraient pas des groupes comme Gomme, Versinthe 99 ou Les Vulves Assassines qui incarnent ce renouveau politique sur la scène indie française.

Les titres s’enchaînent dans la plus pure tradition punk-rock, c’est à dire sans grande surprise mais avec énergie et puissance, Chloé au micro assurant l’équilibre de l’édifice de façon convaincante tantôt avec rage émancipatrice (Lust, Vampirized) et le plus souvent avec conviction et maîtrise (Flesh, Asshole). Le trio tente aussi sur Hero quelques incursions pop – mais discrètes, conservant ce qui fait sa force, le bruit et la fureur. Surrender qui s’étend sur plus de cinq minutes clôt le disque et installe, par son ambiance shoegaze planante, une proximité avec l’auditeur qui arrive un peu tard. Comme si le groupe n’avait pas osé se dévoiler trop tôt, par pudeur ou par peur de sortir de sa zone de confort, malgré le gage de connivence que promettait le titre de l’album.

L’ombre de Raphaël (qui s’est acoquiné depuis avec les membres de Cheap Teen pour former Isolation) plane encore sur Chamber Songs et les sujets de comparaison seront inévitables, du moins au début car Chloé et sa bande traceront de toute façon leur propre chemin. On a hâte de voir ce que donnera sur la longueur cette nouvelle mouture, plus explosive et pressante, plus ébouriffée et nerveuse, une fois que l’effet de curiosité sera passé et que le style se sera affiné encore un peu plus. Quoiqu’il en soit, même en trio, We Hate You Please Die confirme son éclatante créativité et semble encore grignoter quelques places dans le peloton de tête des grands espoirs du rock français. Il leur reste quelques cols à franchir et la fringale à éviter, mais l’arrivée n’est plus si loin.