Wand – ‘Vertigo’

Wand – ‘Vertigo’

Album / Drag City / 26.07.2024
Rock psyché

Wand a le goût de l’aventure et résiste, de ce fait, aux classifications. Son évolution musicale le prouve nettement, se renouvelant ainsi radicalement à chaque album, le garage des débuts ayant progressivement laissé la place à un psychédélisme plus expérimental. La dynamique du groupe le pousse à sans cesse bouger les lignes en privilégiant de plus en plus une expérimentation collective donnant de la vie, donc de la complexité et de l’imprévisibilité, à ses productions. Vertigo, le nouvel album, ne fait pas exception et radicalise même cette approche. Les quatre musiciens (outre Cory Hanson au chant et à la guitare, on retrouve Robert Cody à la guitare, ainsi qu’Evan Backer à la basse et Evan Burrows à la batterie) ont ainsi exploité pas moins de cinquante heures d’improvisation dans leur propre studio, prenant leur temps pour en retirer un ensemble de huit morceaux à l’ambiance plutôt contemplative, formé pour chacun d’une mosaïque de sons très variés, évoluant en dehors des sentiers battus. Vertigo, autant le dire tout de suite, constitue une totalité mouvante, insaisissable, à la beauté singulière, analogue à un tableau impressionniste privilégiant les effets de matière à la détermination précise des éléments.

On croit souvent, au démarrage des morceaux, naviguer en eaux calmes, prêts à rêvasser agréablement au son de la voix claire de Cory Hanson, mais progressivement l’attention est mise en alerte par les bruissements incongrus et les chatoiements fascinants du paysage musical. Ce qui semblait être au départ une déambulation sereine devient une exploration légèrement inquiète d’un environnement profondément ouvert au surgissement de l’inattendu, de l’inconnu. Mistletoe, par exemple, simule une marche au rythme déséquilibré, enveloppée de dissonances et de distorsions, générant le paradoxe d’avancer vers un but tout en étant en permanence désorienté. JJ, qui suit juste après, chaloupe davantage sur des eaux caribéennes, mais la légèreté initiale est vite perturbée par les grincements des guitares, avant que le refrain ne surplombe le tout par son ampleur poétique et majestueuse. Cory Hanson a toujours chanté haut et clair, mais sur Vertigo il semble vouloir, régulièrement, dépasser ses limites lorsqu’il s’agit d’atteindre les notes les plus aiguës. Ce que l’on croit être, à première écoute, un excès choquant de maniérisme devient au bout du compte une démarche volontaire pour fragiliser le chant afin qu’affleurent les émotions, d’une manière aussi déconcertante que celle employée par les instruments.

Tout ici est instable, mais parvient pourtant à un certain équilibre. Chaque titre s’offre comme un aperçu singulier d’une totalité aux contours et à l’ordonnancement interne volontairement flous. Pourtant, au milieu de l’album, Smile et ses guitares progressant magnifiquement vers la lumière, semble opérer une césure. Les quatre premiers morceaux ont en commun de s’acheminer vers une envolée finale, dans laquelle la voix d’Hanson, délicatement lyrique, surplombe des cordes aériennes, épaulée parfois (JJ) par un choeur discret, pour se dissiper, à la pointe de son élévation dans les aigus, dans un souffle ténu. Lors de ces moments véritablement touchants, la musique de Wand acquiert une dimension spirituelle, et paraît vouloir se dégager de la matérialité du son pour nous plonger dans la contemplation d’un ailleurs profondément lumineux. Après Smile, les trois titres qui suivent – Lifeboat et ses notes liquides, Hightime et son orage électrique se résorbant petit à petit et Seaweed Head tout en attente et indécision – avancent sans but déterminé, laissant s’épanouir l’étrangeté de sonorités livrées à leur seule matérialité, affranchies apparemment de toute signification. La musique, dès lors, a des effets hallucinatoires, brouillant les frontières entre le rêve et la réalité et alterne entre réconfort et inquiétude.

La pochette de Vertigo définit avec beaucoup de justesse son contenu : saisissant la vitesse de course d’un animal, celui-ci en perd les limites de sa forme, tout comme le paysage avec lequel il tend à se confondre. C’est donc le mouvement qui est principalement représenté graphiquement, de la même façon que chaque composition de ce septième album de Wand met en avant non pas des structures ou des successions de notes précisément identifiables, mais bel et bien des variations du son. Voilà, effectivement, un album du vertige, qui nous désoriente aussi bien extérieurement qu’intérieurement, et qui offre le plaisir rare, ambigu, mais essentiel de la fluctuation.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Hangman, Smile, JJ, Lifeboat

EN CONCERT

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