Vox Low – ‘Singles and Rarities 2014-2018’

Vox Low – ‘Singles and Rarities 2014-2018’

Album / Born Bad / 11.10.2024
Rock coldwave

En 2023, après cinq ans de silence, Vox Low livrait Keep On Falling, successeur fiévreusement attendu d’un premier album qui avait affolé les compteurs. Une attente aussi frustrante que méritée pour ce qui s’avérait être un nouveau grand cru. Craignant de devoir encore patienter une demi-décennie, on avait pris le temps de le savourer à petites gorgées pour faire durer le plaisir, et l’habitude d’y revenir régulièrement pour entretenir l’ivresse. Jusqu’à ce que, douze mois seulement après cette sortie, Born Bad Records bouleverse nos habitudes œnologiques en annonçant Singles & Rarities (2014-2018), une compilation de huit morceaux retraçant les débuts du groupe. Ce témoignage précieux rebat les cartes et donne un nouvel élan à ce que l’on imaginait être le rythme de croisière d’une formation habituée à faire ce qu’elle entend comme elle l’entend.

Un désarroi accentué par la surprise de découvrir l’information au détour d’un post laconique sur les réseaux sociaux, et alors même que le quintet – ils sont quatre sur scène mais considèrent leur ingénieur du son comme membre à part entière – est en pleine tournée. On a connu des opérations de communication moins discrètes ! Mais, plus que l’absence de signe avant-coureur, c’est l’idée même de compilation, pour un groupe comptant deux albums, une poignée d’EP et de remixes, qui a d’abord fait craindre une stratégie marketing hasardeuse. Pourtant, même sans savoir que la notion de gestion de carrière est aussi éloignée des préoccupations de Vox Low que le sens de la famille pour les frères Gallagher, la seule écoute des morceaux qui composent cette compilation suffirait à dissiper le doute. Le groupe n’est évidemment pas atteint du syndrome du ‘best of’, ce prétexte mercantile généralement voué à renflouer les caisses de musiciens tombés dans le ventre mou de la créativité. Le diagnostic est même sans appel et la santé excellente, quand on mesure à quel point elle fait sens dans sa discographie.

À commencer par le fait qu’elle ne se contente pas d’empiler des morceaux disparates, ni même de réunir des chutes de studios ou des expérimentation précédemment écartées. Elle témoigne au contraire de la construction d’un son qui constitue désormais la marque de fabrique du groupe. Si elle en dévoile une face parfois plus sombre – oui c’est encore possible à l’écoute de l’inquiétant I’m Coming to Your House et de Tarik Ziour susurrant vicieusement à l’oreille ‘… with fire in my hands‘ – elle fait aussi référence aux rythmiques dansantes d’un Madchester idéalisé. Ce tiraillement, qui traverse leur œuvre en permanence, se retrouve jusque dans la construction non-chronologique mais cohérente d’un vinyle qui explore les inspirations cold wave et ebm du quintet, avant d’emmener l’auditeur dans une forme de transe, sur des sonorités qui rappellent aussi la culture club de ses membres.

Confirmant que tout était sur la table, dès le départ, Singles & Rarities pourrait légitimement être considéré comme le premier album de Vox Low. Toutes les règles du Codex y sont posées. Baby Brown et Cast Upward, Through the Waves, a Ruby Glow, déjà, ouvrent à la basse, soutenus par une batterie martiale et métronomique qu’on jurerait produite par une boite à rythme, si l’on n’avait pas rencontré en chair et en os celui qui se tient derrière les fûts. Comme depuis le départ, les riffs de guitare sont des coups de griffe qui tissent un fond sonore en contrepoint des sonorités distordues produites par les machines que malmène leur chanteur (Love Ourself). D’ailleurs, la voix est peut-être le seul élément qui, excepté sur Baby Brown, n’est pas aussi aboutie que sur Keep On Falling où elle s’impose comme instrument à part entière. Passée ici au flanger sur Love Ourself, effacée ou absente sur plusieurs morceaux, elle confirme que Vox Low est aussi un groupe d’illustrations sonores et de bandes-originales : Galactic Pot Healer pourrait s’écouter à la lecture du roman éponyme de Philip K. Dick, ou Loving Hell se savourer les yeux fixés sur grand écran.

C’est enfin physiquement que cette compilation fait sens. Sans doute est-il nécessaire pour le comprendre de rappeler l’importance du vinyle, une évidence générationnelle pour la majorité quadragénaire du groupe. Mais, dans la mesure où son univers musical s’accompagne d’une esthétique visuelle forte, il est aussi et surtout un parti pris artistique, que le support physique vient chaque fois sublimer, qu’il s’agisse d’une photographie de Jean-Pierre Potier pour le premier ou d’un tableau d’Emmanuel Regent pour le deuxième. Singles & Rarities n’y fait pas exception, confirmant cette imbrication étroite du son et de l’image avec un artwork sombre et troublant, signé Marko Vuleta-Djukanov.

Mettant de l’ordre dans leur discographie, cette compilation rassemble donc des morceaux sortis à l’époque où le groupe n’envisageait sans doute pas un avenir au format album, ni même une histoire sur le long terme. Elle est l’occasion de trouver réunis sur un même support des titres publiés de façon éparse, sur des maxis ou 45t parfois ultra-limités et souvent épuisés, voire sortis uniquement de manière dématérialisée. L’effort est louable mais loin d’être complet et quelques rares pépites ont échappé à l’appel. On pense en particulier à Reasoning Places et Stay Away, faces A et B du 45t sorti à l’occasion de leur live au Petit Bain le 15 mars 2022… en 20 exemplaires seulement. Voilà autant de raisons d’espérer une suite à cette brillante initiative.

Mais, comme si c’était gravé dans l’ADN de Vox Low, ce Singles & Rarities s’inscrit dans cette tradition de l’objet rare, et ne sortira qu’à 1000 exemplaires, en vinyle exclusivement. Avant d’espérer un volume 2, les complétistes se rappelleront donc utilement l’adage populaire selon lequel ‘quand le vin est tiré, il faut le boire‘.

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