Ventre de Biche – ‘III’

Album / Teenage Menopause / 29.11.2019
Synth-chanson désespérée

Bande son officieuse des zones industrielles délaissées et des week-ends immobiles, la musique de Ventre de Biche se fait depuis toujours l’écho d’une France désespérée et mélancolique en invitant l’ennui et la déception sociale à danser dans une boucle infinie. A ce petit jeu et en trois albums, Lucas Retraite a dessiné les contours d’une oeuvre au dispositif minimal et aux textes aigres et pinces sans rire. Libéré depuis longtemps du ton acide de ses débuts, le lyonnais – établi aujourd’hui à Marseille – a fait évoluer son plan de bataille. Délaissant les uppercuts et les coups au foie, il travaille désormais, et de manière parfaitement insidieuse, sur la meilleure manière d’implanter dans nos cerveaux les nappes et autres mélodies entêtantes qui ornent ses textes plein de morgue et de poésie. 

Pour parvenir à ses fins, Ventre de Biche présente tout un programme séduisant et accrocheur, révélant en creux son investissement toujours plus important dans nos vies quotidiennes. Ses missions : nous aider à construire pas à pas une brillante carrière (Plan de Carrière), remettre en question l’autorité à coup de techniques martiales (‘Cravate colombienne sur un double vétéran’ comme il le chante sur Copkiller – Ice T), questionner nos cheminements sur l’asphalte (le très beau Interface Trottoir) et éluder une bonne fois pour toute le vide social (C’est la fête, Oh Keskia, Bouge). 

Une fois l’écoute de III achevée se confirme donc l’évolution de Ventre de Biche qui orne sa musique de contours autotunés (Sous les Réverbères), d’une diction de rappeur (le très beau texte du final L’air Est Glacé) et d’instrumentaux plein d’étrangeté et de romantisme de façade (Liquide Incapacitant et Topolino). Autant de pistes et de directions plausibles de la part d’un artiste qui multiplie les idées et les initiatives heureuses pour le bien d’un projet plus renouvelé que jamais.