V/A – ‘Massilia’s Burning’

V/A – ‘Massilia’s Burning’

Compilation / Fracas Records – L’Intermédiaire – Lollipop / 06.12.2024
Rock

Comme Francis Blanche dans Les Tontons Flingueurs, trouvant que ‘c’est curieux, chez les marins, le besoin de faire des phrases‘, on pourrait s’interroger sur celui des Marseillais de devoir sans cesse justifier que, oui, leur ville est une ville rock ! Un bon tiers de rap, un tiers de foot, un gros tiers de mépris Parisien et un petit tiers d’indifférence médiatique expliquent sans doute la soupe à la grimace que servent les acteurs d’une scène pourtant bouillonnante, quand on aborde la question.

Qu’ils se rassurent, le mistral nouveau qui s’est levé ces dernières années est en train de balayer clichés et a priori. Marseille est rock, n’en parlons plus. Un rapide – et forcément incomplet – fact checking suffit à s’en persuader. En 2024, pas moins de 4 groupes émergents ont sorti un EP. Les tauliers du Lollipop Music Store ont quant à eux remis le couvert, il y a peu, avec leurs groupes respectifs No Jazz Quartet et Pleasures. Il n’y qu’à feuilleter Le Vortex ou l’agenda de Concert & Co / Live in Marseille pour se rendre compte que cette effervescence se traduit aussi par la multiplication de concerts et de festivals, du mainstream Delta Festival à l’historique La Plaine du Rock, renaissant des cendres du légendaire La Rue du Rock, jusqu’au plus confidentiel Dark Pouët Pouët Festival, mis sur pied par le collectif Fin de Semaine. Les activistes sont légion (Antichambre) et les labels hyperactifs (Ganache Records, Cœur sur Toi). Jusqu’à Mowno qui, last but not least, a consacré à la Cité Phocéenne sa rubrique du Potard dans le dernier numéro de la revue. Une visite de la ville guidée par Technopolice, symbole de ces groupes animés par l’esprit DIY de ceux qui ont décidé de se prendre en main, et de cette scène où les musiciens se retrouvent dans plusieurs formations, croisant les instruments et partageant les bons plans dans un esprit de coopération comme on ne se rappelle pas en avoir connu.

Technopolice, justement, est l’un des quinze groupes mis en avant dans la compilation Massilia’s Burning que sort le tout nouveau label Fracas Records, en association avec L’intermédiaire et Lollipop. Elle fait écho à une petite sœur, sortie il y a plus de 20 ans pour mettre en avant, déjà, la vitalité de la scène de l’époque, en tirant le fil rouge d’un activisme rock jamais démenti. Comme l’explique le dossier de presse, ‘le projet trouve son origine dans (la) triple volonté (de) rendre ses lettres de noblesse à la cité phocéenne (…), fédérer les artistes autour d’un projet collectif (…) et soutenir les groupes‘.

Le premier objectif est incontestablement rempli, et le choix des titres illustre non seulement l’effervescence dont il est fait état ci-dessus, mais également l’éclectisme d’un genre – le rock –, dont toutes les palettes sont ici explorées, de la power pop au shoegaze, en passant par le punk-rock ou le garage psyché. Il se décline d’abord sur les accords rapides, les guitares distordues et les hurlements des punk-rockeurs de Crache, qui ont l’honneur d’ouvrir avec leur titre éponyme, suivis dans la même veine par Cheap Entertainment et un Massilia Punk Rock teinté d’un réalisme social que n’auraient pas reniés les Parisiens de La Souris Déglinguée, pour décrire en 3’37 chrono, et en français, la face B d’une ville qui n’est pas que Sea, Sex and Sun.

Mais la compilation sait aussi faire la part belle à des tempos plus ralentis (le magnifique et très aérien The Believing de Tessina qui n’est pas sans rappeler le meilleur de PJ Harvey), à des morceaux rock plus classiques explorant toutes les racines du genre (les So British Seven Levels et Flathead, les très Français Kaël et Avenoir, les plus américains Lodi Gunz et leur blues rock accrocheur et addictif qui renvoie aux premiers Black Keys). À mi-parcours, Massilia’s Burning tire même sur la pop (l’étonnamment calme Circus Circus de Technopolice et ses quelques accords de saxo, les désormais classiques Parade faisant presque office de figure tutélaire pour les jeunes pousses qui les accompagnent), la power pop (52 Hertz), ou l’alternative (Glitch, Avee Mana et Abstract Puppet). Enfin, mention spéciale à Sovox et au refrain accrocheur de Drifted Mind, qui permet au groupe de tirer son épingle du jeu.

On l’aura compris, il n’y a pas de fil rouge, et si l’ensemble est volontairement décousu, c’est qu’il est une palette, un foisonnement de styles qui laisse augurer que le meilleur est encore à venir. D’autant plus que, faute de place sans doute, nombre d’autres groupes auraient pu légitimement investir ce témoignage, au rang desquels, par exemple, les prometteurs Catchy Peril. À suivre on l’espère sur un Volume 3 dont on nous a laissé entendre qu’il était en bonne voie… puisque Massilia renaitra forcément de ses cendres !

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Tessina – The Believing / SOvOX – Drifted Mind / Lodi Gunz – I Really Care


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