Uranium Club – ‘Infants Under The Bulb’

Uranium Club – ‘Infants Under The Bulb’

Album / Static Shock / 01.03.2024
Post punk métaphysique

Groupe fascinant que cet Uranium Club, maniant l’art du contre-pied et de la rupture comme personne. Rare et imprévisible, cette bande d’américains énervés, ironiques, aussi perchés qu’intellos, lâche un quatrième album passionnant, inclassable, référencé, agité. Une pépite et un vertige qu’il ne faudrait surtout pas rater.

Il y a au moins quatre bonnes raisons de se pencher sur Infants Under The Bulb, chacune valant pour elle seule. Tout d’abord, la comm du groupe, si on peut encore appeler ça ainsi. Le collectif donne très peu d’interviews, réalise encore moins de clips, mais passe volontiers plus de temps à vous expliquer avec précision la méthode de réalisation de  l’artwork de la pochette – grande spirale de bénévoles d’un village enveloppés de sacs rouges, tous disposés avec soin puis photographiés par drone – et à évoquer les mystérieuses énigmes humaines qui ont attisé sa curiosité ces dernières années, au point de traverser les paroles de tous les titres de l’album.

Il y a, bien évidemment, la musique du groupe, post punk épidermique et inclassable car sans cesse mâtiné, depuis les origines et au gré de sa curiosité, de longs jams de plus de dix minutes, ou encore de fulgurances électroniques. L’option choisie sur ce nouvel album est d’accompagner leur matraquage de riffs hallucinés d’une sous-couche de cuivres, donnant aux titres les plus trépidants (Viewers Like You, Big Guitar Jackoff In The Sky) un aspect ska-punk aussi inattendu que jouissif. Mais Infants Under The Bulb vaut aussi pour ses déluges binaires (on ne ressort pas indemne de Abandoned By The Narrator), et d’arpèges frénétiquement empilés (Game Show, 2-600-LULLABY) rappelant les constructions savantes de Squid ou un Lewsberg sous stéroïdes, avec le débit vocal de James Smith, le leader de Yard Act.  Toujours en équilibre sur une corde tendue entre la démence et l’ironie, le groupe place quand même ce qui ressemble à deux ballades pop (Tokyo Paris L.A. Milan, The Ascent) dans lesquelles les vociférations s’apaisent et laissent des mélodies redoutablement efficaces s’épanouir.

En tendant l’oreille, on découvre alors qu’Uranium Club donne à entendre son rapport sur toutes les curiosités qui l’ont interpelé ces dernières années. Les affaires les plus étranges – situations édifiantes, disparitions mystérieuses, cadavres jamais identifiés – prennent place dans leurs textes. Nous découvrons ainsi le mystérieux inconnu de Somerton, celui qu’on appelle Peter Bergmann (Small Grey Man), l’histoire de Jeremiah Denton dont les clignements d’œil évoquent au groupe le corps-prison de Jean Dominique Bauby, évoqués l’un et l’autre dans Viewers Like You.

Il y a donc, et enfin, tous ces mystères qui apportent une matière métaphysique à Infants Under The Bulb. Des vies volontairement (ou pas) passées sous les radars, de vrais anonymes, des hommes qui échappent à leur condition humaine, à la surveillance, qui refusent la soumission de leur corps ou de leur âme… Autant d’exemples qui viennent illustrer la pièce en quatre parties que recèle aussi l’album : The Wall. Il s’agit d’un récitatif, dialogue parlé entre deux femmes et un mur, une histoire d’amour entre des humaines et leur prison, la perte de liberté consentie, la peur de ne plus être protégée (même si on ignore de quoi), le besoin de le rebâtir lorsqu’il n’est plus là… Les scènes de ce dialogue entrecoupent la frénésie rythmique et sonore du disque, ce qui pourrait lui valoir encore l’étiquette très moderne et branchée de disruption. On se doute que le groupe fuirait cette ‘reconnaissance’ car ce serait encore passer à côté de l’essentiel, qui, définitivement, se trouve dans l’insaisissable et les interstices.

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Small Grey Man, Viewers Like You, Tokyo Paris L.A. Milan, Abandoned By The Narrator, Big Guitar Jackoff In The Sky


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