Ulrika Spacek – ‘Modern English Decoration’

Ulrika Spacek – ‘Modern English Decoration’

Album / Tough Love / 02.06.2017
Rock alternatif

Il y a un peu plus d’un an, ‘The Album Paranoia’ marquait la naissance trop peu remarquée d’un groupe au potentiel énorme, avec dans ses flight cases une vision avant-gardiste du rock alternatif : un genre qui, ces dernières années, semble être volontiers incorporé comme une influence parmi d’autres dans le vaste brassage de la musique expérimentale. En partie la faute à la séparation de Kim Gordon et Thurston Moore en 2011 qui a laissé un peu en plan la table d’expérimentation et porté un énième coup à l’originalité, à la subversivité, à la transfrontaliarité du rock (pardon pour ce gros mot). Ulrika Spacek répond aujourd’hui exactement à ce besoin de rock nouveau, intelligent sans être intellectuel, et humble surtout.

‘Modern English Decoration’, toujours sur Tough Love Records, est ce qu’on aimerait appeler un chef d’oeuvre, si le mot n’était pas tant galvaudé, bien souvent par ceux qui n’ont jamais rien entendu à Sonic Youth et ne comprendront donc pas davantage Ulrika Spacek. L’album du quintet londonien est pourtant difficilement meilleur que le précédent tant les ingrédients sont sensiblement les mêmes. On notera cependant une attention plus particulière accordée au mixage, avec la voix ou la basse un peu plus mise en avant selon les chansons, à la technique et au jeu sur le temps, avec de nombreux mais discrets contre-temps. Le disque met aussi plus de temps à décoller, comme un moteur à réaction plus vieux mais plus puissant. Ainsi la lente progression en intensité qui avait su nous tenir en haleine à l’écoute du premier opus est ici dispersée à l’échelle non plus d’un titre, mais d’un album.

Cette intensité ne stagnera en milieu de chemin que l’espace des trois trop courtes minutes du titre éponyme, sorte de ballade brumeuse et hypnotique hantée par le spectre de Bradford Cox. ‘Full of Men’ repart ensuite de plus belle, tel le pendant frissonnant, déchirant de ‘Ultra Vivid’ sur ‘The Album Paranoia’. La course des guitares, la toute-puissance de la basse, le martèlement de la grosse caisse, les gémissements lointains, saturés du chanteur Rhys Edwards se noient dans un souffle shoegaze, un mouvement de transe qui modifie, à l’écoute, la perception du monde alentour.

Dès lors, la mélancolie un peu anxiogène de cette musique ne nous quittera plus jusqu’à la fin de ces 45 minutes; elle s’incarne ici dans le tintement des guitares imitant des cloches rouillées, un peu apocalyptiques (‘Saw a Habit Forming’). Elle prendra plus tard un bain de distorsions qui fait penser aux grandes heures de My Bloody Valentine, avec un enregistrement néanmoins plus accessible (‘Victorian Acid’). Mais ce sentiment, s’il n’est pourtant pas désagréable, est toujours instantanément vaincu par un autre : celui de la conscience, jouissive, d’écouter un des meilleurs album de l’année.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
‘Full of Men’, ‘Modern English Decoration’, ‘Everything, All the Time’


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