Ulrika Spacek – ‘Compact Trauma’

Ulrika Spacek – ‘Compact Trauma’

Album / Tough Love / 10.03.2023
Indie rock

Après cinq années d’exil, Ulrika Spacek renaît de ses cendres avec son troisième album. Adulé pour sa capacité à toujours emmener ses fans en terre inconnue, le groupe est aussi attendu que redouté, notamment parce que ses membres ont prouvé en solo qu’ils n’avaient pas besoin du collectif pour continuer de progresser (Rhys Edwards et son projet Astrel K en sont l’exemple parfait). Au final, Compact Trauma est typiquement l’album de la maturité (l’horrible expression), avec des qualités incroyables, et quelques défauts.

S’il n’y avait qu’un titre pour résumer le disque, ce serait The Sheer Drop, premier single idéal qui ouvre l’album. Un voyage sonore savant et démonstratif, dans lequel chaque musicien du quintette impose sa marque. Mélodie successivement stellaire puis bruitiste, structurée puis matraquée, elle manipule autant l’effroi que la dérision pour nous laisser avec ce sentiment de gêne qui est une marque de fabrique. L’inconfort que l’on aimait entendre chez Ulrika Spacek prédomine toujours.

Mais par la suite, dans la première moitié de l’album, le soin apporté à la production donne un sentiment de cuisine trop propre. Un comble ! On se laisse gagner par un sentiment de juxtaposition, d’effets extrêmement recherchés, et des titres comme It Will Come Sometimes ou Lounge Angst semblent désincarnés. C’est confortable, sans risque, sans déséquilibre, serein. On regarde ce magnifique étalage, mais on n’en jouit pas. Ça peut être rassurant pour certains qui trouvaient la musique du groupe trop déroutante. Pour les autres, ce temps de rodage passé dans les dernières mesures du très math-rock Diskbänkrealism, c’est avec la seconde partie que le voyage commence.

Passés les déraillements délicieux de Through France With Snow, les londoniens attaquent leur Everest, If The Wheels are Coming Off, The Wheels Are Coming Off sur des riffs rappelant le Lullaby des Cure pour finir avec la densité dignes de Spiritualized, chorus de loop électroniques, de guitares claquantes et de basses grasses. Compact Trauma poursuit dans cette veine, l’énergie des premières minutes brutalement cassée par un bip au bout de cinq minutes. 

On jubile de retrouver ce genre de détails déstabilisants dans le son du groupe. Et puisque brouiller les pistes est un mantra, on s’évite ensuite de présager quoi que ce soit des dix minutes de l’immense Stuck At The Door, se laissant porter par les modulations virtuoses de tout leur savoir-faire space-rock, ténébreux puis délétère. Un très grand titre. Ulrika Spacek ne signant pas son retour à moitié, on se régale de l’ultime No Design, de sa fausse apparence de morceau pop sur boîte à rythme facile trahie par une cascade de contre-pieds et de distorsions bluffantes, jusqu’à la dernière note. Au fond, c’est à cela que ressemble la maturité, selon Ulrika Spacek : prendre son temps pour atteindre son graal. Être moins démonstratif et direct dans son Trauma, mais réussir à tout emporter dans les limbes, même en délayant le propos.

Photo : Titouan Massé

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A ECOUTER EN PRIORITE

The Sheer Drop, If the Wheels Are Coming off The Wheels Are Coming Off, Stuck At The Door, No Design


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