Tyler The Creator – ‘IGOR’

Album / Columbia / 24.05.2019
Hip hop

Longtemps associé à la provocation aussi géniale que puérile qui le voyait pourfendre l’oesophage de Bruno Mars à coup de couteaux avant d’enfiler un noeud coulant histoire d’en finir avec la vie, Tyler The Creator livre aujourd’hui un sixième album époustouflant de renouvellement, à des années lumières de ses débuts. Un retournement d’autant plus miraculeux que le rappeur californien souffrait encore il y a peu d’inspiration déclinante, que sa musique s’essoufflait et tournait à vide sans capitaliser sur l’effet de surprise que lui et sa bande avait provoqué au début des années 2010 en marchant sur les plates bandes des tièdes et des ronflants.

Puis Flower Boy est arrivé en 2017, ouvrant alors une nouvelle ère pour Tyler. En s’ouvrant à de nombreuses influences et en accueillant quelques amis de longue date, l’album renouvelait de fond en comble l’éclaircie entrevue sur Cherry Bomb, réjouissant brouillon de cet état d’esprit nouveau.

Loin de la copie bordélique, IGOR prolonge donc le geste perpétré par son prédécesseur. Le MC lui donne l’allure d’une cartographie sentimentale, d’un conte de rencontre et de rupture où Tyler The Creator n’est jamais apparu aussi vulnérable. Pour mettre en musique cette douce histoire, le californien s’est démultiplié en convoquant des voix qui épousent ses états d’âme avec une justesse troublante. Ainsi, on est transporté par le timbre cartoonesque de Playboi Carti chargé de rendre compte des trépignations de la première rencontre (Earfquake), avant de sombrer dans le laconique avec les révélations désabusées de Puppet et d’en terminer avec l’interrogation cyclique de Are We Still Friends?.

Dans ce foisonnement prenant parfois des allures de grand huit sous la force des vents contraires qui l’habitent, l’écriture de Tyler The Creator ensorcelle par son incessant malaxage toujours plus personnel de funk, de soul et de hip hop. Sans se détacher totalement de son agressivité véhiculée par sa voix profonde (New Magic Wand, What’s Good), il développe des trésors mélodieux et d’une rare intensité, chargés de dévoiler un peu plus à chaque écoute les nouvelles facettes d’un artiste qui n’en finit plus de (se) surprendre.