Tvivler – ‘Kilogram’

Album / Fysisk Format / 06.05.2022
Noise hardcore

Tvivler navigue depuis 2014 sur des eaux punk-hardcore assez démontées pour s’éloigner des conventions du genre. Aventureux, parfois avant-gardiste, le groupe illumine sa musique de signaux mélodiques forts qui, deux ans après Ego, premier album tapageur, retrouvent le long de Kilogram leurs effets autant physiques qu’émotionnels : un équilibre que le quatuor contrôle pour servir ses textes politiquement engagés.

C’est d’ailleurs un Thomas Burø habité qui se charge d’écrire et de scander en danois la teneur des neuf titres de ce nouvel album. Un choix réfléchi depuis les débuts du groupe et qu’il explique par une plus grande proximité avec les subtilités de sa langue natale. Sa voix haut perchée, nuancée et inimitable – déjà adulée à l’époque où il officiait à plein temps chez Lack – tapisse le disque d’une aura toujours aussi impressionnante (Dagdrommer, Jeg bor her jo bare).

Musicalement, la bande de Copenhague avance en rang serré. Une collaboration adroite où chacun tient crânement sa place, mais sait aussi s’effacer lorsque les appels d’air s’imposent (Michael Strunge Som Neoliberal, Der Er For Borgerlige I Det Her Land). Néanmoins, la batterie joue plus que jamais les premiers rôles. Malgré une basse grondante en charge de l’organique, une guitare précise et variée dans ses trouvailles mélodiques, la section rythmique folle remplit l’espace (Ex-medlem af menneskeheden, Mænd der hader dyr, Richard Rorty på klinikken) oeuvrant à une instabilité permanente qui brouille tous repères mais qui, dans le même temps, assure indéniablement les incessantes variations de ce disque.

Les vannes de la créativité ouvertes ici en grand, Tvivler s’aventure bien au-delà de son terrain de jeu hardcore, et offre quelques élans free jazz ou free noise (AR 529) selon le côté où l’on préfère faire pencher la balance. Là encore, le groupe trouve le moyen de saisir autant que de surprendre par une homogénéité de plus en plus puissante dès lors qu’on ressent tout le poids de ce Kilogram. Pourtant, malgré la multitude de formes et d’états étalés, rien ne s’écarte du propos initial qui n’est pas sans rappeler la démarche artistique de Refused, époque Shape Of Punk To Come, (Livsform på tvangsauktion), tant l’intelligence de composition semble faire écho au must-have des suédois.

Thomas Burø dit lui-même que le collectif aime jouer vite et fort. Acte réussi pour ces musiciens solides et expérimentés de la scène indé danoise, pour qui le punk hardcore n’est finalement qu’une balise à l’écriture d’œuvres magistrales.