TV Priest – ‘Uppers’

TV Priest – ‘Uppers’

Album / Sub Pop / 05.02.2021
Post punk

L’Angleterre doit posséder un laboratoire secret où des scientifiques font pousser allègrement des graines de musiciens post-punk. C’est la seule explication raisonnable derrière le bourgeonnement de ce courant musical, apparemment bien plus qu’un revival passager. C’est au tour de TV Priest et de leur premier album Uppers de rentrer dans la danse. Les quatre bonhommes tirent leur épingle du jeu en proposant bien plus que du sous-Gang Of Four, et en utilisant avec intelligence une signature sonore aussi exaltante que tapageuse. Humour british oblige, les traits d’esprits et les vannes sarcastiques sont constamment au menu. C’est sûr, aussi efficace soit-elle, la messe de TV Priest va en convertir un sacré paquet.

Les contes de fée existent même à la sauce post-punk, et ces anglais là peuvent en attester : quelques années après avoir monté un groupe n’allant nulle part, les quatre amis d’enfance se retrouvent, décident de jouer pour leurs proches, puis signent sur le label légendaire Sub Pop avec un seul concert au compteur. Ainsi nait Uppers, un premier album qui ne s’emmerde pas avec les formalités, et démarre bille en tête avec The Big Curve. D’emblée, on est happé par le grondement crado d’une basse, tandis qu’au chant le frontman Drinkwater nous prévient : ‘This could be the first day of the rest of your life‘. Dans le jargon, on appelle ça une entrée soignée. L’énergie palpable et le son heavy vont planer tout au long de l’album sans jamais baisser en intensité.

Difficile de s’extirper de l’ombre d’IDLES quand on est un groupe à guitares venant d’Angleterre. Surtout quand, à l’instar de Joe Talbot, Drinkwater partage un goût certain pour brocarder les travers de la société et les banalités de la vie quotidienne à travers des observations fendardes et cruellement pertinentes. La comparaison s’arrête pourtant ici, les ressemblances étant plus à chercher du côté d’un mastodonte comme Wire.

L’album brille donc en partie grâce au talent de parolier du chanteur de TV Priest. Pendant que le (relatif) chaos l’environne, il manie les remarques acerbes et les historiettes avec une précision d’orfèvre, à l’image du krautrock Journal of a Plague Year, compte rendu fictif de la grande peste de Londres du 17ème siècle basé sur le roman de Daniel Defoe. ‘Hey buddy, normalise this. Hey buddy dig that pit, you better get used to it‘. Le plus hallucinant dans tout ça, c’est que ce morceau a été composé avant la situation pandémique actuelle.

Plus tard, Charlie ‘Nostradamus’ Drinkwater rend hommage au travail de son grand-père photographe et correspondant de guerre en témoignant de la nature pernicieuse de la désinformation (Press Gang). La batterie hypnotique donne au titre un ressenti new-wave de très bonne facture. Le frontman baragouine aussi parfois des punchlines hilarantes, comme on peut parfois en entendre le week-end dans un Noctilien. Decoration – assurément la composition la plus funky avec son chorus dévastateur – commence et finit par la phrase ‘I’ve never seen a dog do what that dog does‘. Ca suffit pour faire sourire. Et si vous voulez une preuve de plus que le groupe ne se cantonne pas à la case post-punk basique de mecs blancs bruyants, ne cherchez pas plus loin que le déchirant et atmosphérique final Saintless. Déclaration d’amour de sept minutes à l’intensité crescendo pour son nouveau-né, Drinkwater y expose sans pudeur le trauma de l’accouchement et les failles de tout un chacun en tant qu’être humain et parent.

Groupe à la genèse particulière sortant un premier album dans la pire des circonstances, TV Priest saura à coup sûr déjouer les obstacles et les coups durs. Les quatre Anglais sont en tout cas déjà parvenus à se hisser haut la main au-dessus de la mêlasse informe des clones de The Fall. Il leur reste à prouver leur valeur dans une salle de concert moite fleurant la sueur rance. Comptez sur notre présence.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
The Big Curve, Press Gang, Decoration, Saintless


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