Turnstile – ‘Never Enough’

Turnstile – ‘Never Enough’

Album / Roadrunner / 06.06.2025
Rock

En 2021, Glow On voyait Turnstile s’ouvrir à un horizon sans limite. Jusqu’alors pilier d’un hardcore confiné aux clubs moites et aux caves peuplées de puristes souvent trop rigides, le groupe de Baltimore s’en émancipait en mêlant intensité punk, mélodies pop, expérimentations synthétiques et refrains fédérateurs tout au long d’un quatrième album qui allait lui faire parcourir le monde au fil de salles toujours plus grandes, de festivals toujours plus peuplés, parfois même de stades où il a ouvert pour certains des plus grands rockeurs mainstream. Une trajectoire fulgurante qui a braqué tous les projecteurs sur lui jusqu’à ce qu’il se montre plus discret en vue de l’écriture d’une suite à laquelle il s’est attelé sans l’un de ses membres originels, Brady Ebert, parti quelques mois plus tôt et remplacé par Meg Mills, arrivée trop tardivement pour prendre par au nouvel enregistrement. C’est donc un Turnstile amputé et recentré autour de Brendan Yates – ici seul à la production et davantage impliqué dans l’ajout de synthétiseurs – qui fait, avec Never Enough, son retour tant attendu.

Très vite, les premières écoutes trahissent l’intention : en ne réinventant rien, Never Enough ne cherche ni à surprendre, ni à bouleverser cet équilibre qui a fait toutes ses preuves il y a quatre ans. Il ne fait qu’offrir une suite à son prédécesseur, comme en atteste l’abondance de familiarités – gimmick recyclés, ruptures rythmiques similaires, recours identiques aux effets eighties – allant parfois jusqu’à la répétition pure et simple : Never Enough rappelle Mystery, Sole fait écho à Endless, I Care sonne comme New Heart Design, Look Out For Me reprend les bases de T.L.C., Magic Man lorgne vers No Surprise… Si elle rassure, cette continuité ne fait qu’éloigner Turnstile du hardcore qui fut longtemps son moteur, le tout non sans pots cassés : de la flûte de Shabaka clôturant Sunshower aux incursions de violoncelle à peine audibles sur Never Enough et Look Out For Me, certains partis pris d’arrangement censés élargir le spectre restent le plus souvent anecdotiques. Pire, Dreaming, affreux brûlot de reggaeton électrique porté par les cuivres de BadBadNotGood, est hors-sujet.

Il faut néanmoins reconnaitre à ce Never Enough dopé à la pop une certaine efficacité, un véritable talent à écrire de bonnes chansons. Taillé pour les foules, l’album reflète ni plus ni moins ce que Turnstile est devenu : une formation rock dans tout ce que le terme implique de plus banal et ambitieux. En effet, à l’instar de Green Day ou Blink 182 à leur époque, le groupe bascule ostensiblement à son tour vers le divertissement assumé, sans renier ses compétences d’écriture, tandis que les textes de Yates, eux, évoquent paradoxalement en filigrane la solitude liée au succès, les conséquences d’une visibilité croissante, les doutes derrière la façade. Turnstile a pourtant consciemment fait son choix : celui de l’ouverture, du formatage, de la trajectoire pop qui saura sans nul doute séduire un bien plus large public que les fans de la première heure louant jusque-là la modernité de son authenticité. Pas si grave : à une époque où la popularité prévaut sur la pertinence, CharliXCX et Post Malone ont déjà fait, eux, de Never Enough l’album de leur été… Ce qui n’est jamais assez pour certains est toujours beaucoup trop exagéré chez d’autres.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Never Enough, I Care, Light Design, Birds

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