20 Déc 23 Turbo Panda – ‘Julia’
Album / Autoproduction / 11.2023
Punk noise
Combien de fois vous êtes-vous posé les questions suivantes suite à l’écoute d’un EP que vous avez particulièrement apprécié? Pourquoi cet EP n’a-t-il pas été intégré à l’album qui le succède? Y avait-il vraiment besoin de rajouter des fillers dans cet album et ce, juste pour que ce dernier ait la durée escomptée ? Ne suffisait-il pas de rajouter des titres déjà familiers dans le tracklisting du LP, renforçant du même coup ce dernier ?
C’est à croire que Turbo Panda s’est posé cette exacte question. A l’heure où des groupes de son rang galèrent pour trouver le temps et les ressources leur permettant d’enregistrer leurs chansons avec les moyens du bord, il y a quelque chose d’absurde à vouloir donner le change en terme de productivité, surtout si c’est au détriment de la qualité globale du projet. Julia est donc en quelque sorte un double-EP (donc un album) qui reprend sur ses quatre derniers titres le EP Jaws déjà sorti en 2021. Et cette association fait sens pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’en dépit de minimes différences dans la dynamique des guitare-basse-batterie entre le premier enregistrement et le second, la patte sonore globale de ce disque – DIY, organique, et à l’énergie sonnant 100% live – reste globalement très cohérente. Et ensuite parce que la palette nineties de Turbo Panda est à la fois assez identifiable et assez nuancée pour pouvoir unifier le tout sans jamais donner l’impression que le groupe manceau ne se répète inutilement. Entre Julia et Jaws, c’est plutôt un faisceau de rappels entre les styles et autres points de référence qui se déploie – quelque part entre noise-rock, post-hardcore et un post-punk savamment digéré dans l’ensemble.
Petit tour d’horizon des six titres de Julia. Le morceau-titre, tout d’abord, qui ouvre le disque sur un glaçant coup de semonce, avant que les gros toms ne se jettent à corps perdu dans une cavalcade infernale. Là surgit une mélodie impériale renvoyant aux heures glorieuses des Thugs, et on sait d’office que l’on est entre de bonnes mains. Check est lui l’épitome du deuxième titre qui botte des culs pour vraiment lancer la machine, grâce à ses glissandi de basse saturée passant d’une octave à l’autre avec un affolement contagieux. Remove The Remjet lorgne sur le Sonic Youth des early nineties, avec un soudain changement d’accord plongeant l’auditeur dans l’abysse, et No Heroe installe dès son intro une rangée de croches droites comme des piquets, comme un tapis de fakir se préparant à accueillir une section rythmique forcément bondissante. À l’instar de ce qui se passait sur Jaws, les accroches mélodiques rappellent parfois Rival Schools, Jawbox, Chavez et Mission Of Burma, que ce soit pour les lignes vocales ou les guitares. Mais l’émulsion spécifique proposée par Turbo Panda ne ressemble à aucune autre.
Instrumental digne du… Instrument de Fugazi, Jellyfish offre un moment de suspension bienvenu au centre de ces dix titres – son harmonie modulée en fin de parcours étirant encore plus l’atmosphère déjà liquide du morceau, tel un tentacule indolent. Économe et subtil. Enfin, Curse offre une transition idéale vers certains des titres plus post-punk de Jaws, grâce aux accents IDLES de la voix et une batterie épileptique plaçant ses accents aux moments les plus surprenants, sans jamais avoir l’air d’être à côté de la plaque pour autant. Turbo Panda ne donne jamais dans la formule toute faite. Ses breaks, qu’ils soient rythmiques ou mélodiques, sont trop aventureux pour ça. C’est pourquoi il n’a pas à se soucier de la fin de tel ou tel revival.
Pour Jaws, on vous renvoie donc vers notre chronique d’avril 2021. On ne sait qui de Julia ou du grand requin blanc finit par bouffer l’autre dans ce double-feature digne du plus parfait basement show organisé près de chez vous. Ce que l’on sait, par contre, c’est que le panda gagne toujours à la fin.
A ECOUTER EN PRIORITE
Julia, No Heroe, Jellyfish, Curse, Summer Camp, The Moviegoer
No Comments