Tropical Fuck Storm – ‘Fairyland Codex’

Tropical Fuck Storm – ‘Fairyland Codex’

Album / Fire / 20.06.2025
Art rock

Il est toujours question de chaos chez Tropical Fuck Storm. Déjà au sein des légendaires The Drones, Gareth Liddiard et Fiona Kitschin en faisaient leur terrain de jeu favori. Depuis que la formation s’est mise en veille en 2016, ils n’ont fait qu’agrandir son périmètre aux côtés de la guitariste Erica Dunn et de la batteuse Lauren Hammel, jamais les dernières pour foutre un beau bordel dans les compositions d’un des groupes les plus passionnants de la scène rock australienne depuis A Laughing Death in Meatspace, premier album sur lequel les quatre s’amusaient déjà avec brio à jouer de dissonances et à les transpercer de mélodies aussi rugueuses qu’accrocheuses.

Parce que l’expérience pèse et joue en sa faveur, il est toujours question de maitrise, aussi, chez Tropical Fuck Storm. Dans son foutoir bien rôdé, les sorties de route sont rares, le point de non retour jamais atteint. Alors quand le chaos secoue la vie personnelle de ses membres, l’équilibre s’établit par la musique. Ces derniers mois, Fiona Kitschin s’est vue diagnostiquer un cancer du sein à un stade avancé, ce qui a forcé le groupe à battre en retraite, à stopper les tournées, et user de stratagèmes pour parvenir à financer des soins plus coûteux que prévus. Ce coup du sort, puis la colère qui suivit, auraient pu mener la clique à l’album le plus radical de sa discographie, pourtant c’est bien son oeuvre la plus apaisée qu’elle signe sans pour autant passer totalement de l’autre côté de la barrière.

Parce qu’encore une fois, tout est dans la balance : au gré de ses guitares grinçantes et de ses pulsions rythmiques, Tropical Fuck Storm se place tout au long de Fairyland Codex entre lumière et obscurité, entre amour et peur du lendemain, entre espoir et désolation. ‘Le monde est un trou à merde rempli de connards‘ dira même Liddiard en empruntant les mots de la poétesse Anna Akhmatova. De quoi expliquer les changements d’humeur qui ponctuent ce nouveau disque empreint, de fait, d’une diversité et d’un contraste inédit pour le quatuor. Car entre les clins d’oeil évidents adressés à leur premier album via quelques titres art punk particulièrement huilés (Irukandji Syndrome, Dumping Kruger’s Loser Cruiser), les australien.ne.s surprennent avec une marche post-grunge percutante aux choeurs bien calés (Goon Show), quelques morceaux entrainants (Teeth Marché à la ligne de basse efficace, Bloodsport et son funk façon Talking Heads) et un dub électrique (Joe Week Inherit The Earth) rappelant que le reggae a toujours fait partie de leurs influences, même de loin.

Mais c’est dans ses moments les plus calmes, les plus sensibles aussi, que ce nouvel album parle aux tripes. Sans conteste parmi les chansons les plus abouties de son oeuvre toute entière, les balades touchent en plein coeur, filent des frissons. Et pour cause, difficile de ne pas voir dans la gravité de Stepping On a Rake un écho des derniers mois éprouvants traversés par le groupe, et plus particulièrement par le couple Liddiard / Kitschin. Plus loin, c’est en acoustique que le chanteur-guitariste attaque une longue et touchante première montagne russe éponyme comme héritée de l’ainé Nick Cave, avant de remettre ça sur Moscovium, final poignant dont il déroule habilement les notes sur sa Jazzmaster. Juste avant, Erica Dunn aura pris – à l’instar de Teeth Marché un peu plus tôt – les rênes du chant sur un Bye Bye Snake Eyes étrangement canalisé pour qui connait la folie habitant d’ordinaire l’australienne.

Si le quatuor excelle dans son registre, c’est donc sur un terrain plus imprévisible et sombre qu’il marque ici les esprits. Bardé de cicatrices, ce cru 2025 dévoile un Tropical Fuck Storm aussi beau que triste, comme conscient du chemin qu’il lui aura fallu parcourir, des obstacles qu’il aura fallu surmonter pour finalement laisser éclater toute sa sensibilité et se montrer bouleversant de la première à la dernière note. Pour tout cela, ce Fairyland Codex fera incontestablement date.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Goon Show, Stepping On a Rake, Fairyland Codex, Bloodsport, Bye Bye Snakes Eyes, Moscovium

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