
13 Avr 25 Treaks – ‘EGO’
Album / Muses / 11.04.2025
Post punk noise
Treaks est l’une des formations les plus en vue du moment sur la scène indé française. Son premier single écrasant, Against The Wall, sorti en mars 2023, n’était pas passé inaperçu et partait en éclaireur avant l’annonce d’EGO, premier album à l’énergie dévastatrice. Empruntant aussi bien au post-punk motorique qu’au rock progressif ou la pop sautillante, la musique du groupe mêle brutalité et folie, et invite ostensiblement au lâcher prise et à la libération des corps.
Clothilde Arthuis (voix-guitare), Théophane Calvano-Grill (basse) et Owen Cummins (batterie) dressent un véritable mur du son en dix étages entre rythmiques puissantes et dansantes, et chant lead à la fois déjanté et totalement maîtrisé. Un ensemble sublimé par le remarquable travail de production et de mixage réalisé par le quatrième membre Léonard Mule, ingénieur du son entre autres pour des artistes comme Wax Tailor, Charlie Winston, Tricky ou Rougemont.
QUEEN ouvre les hostilités. ‘Nothing’s gonna be the same, I’m gonna be the Queen!‘. Derrière l’ironie, le groupe invite ici, comme tout le long du disque, à se libérer des carcans sexistes et sociaux, et à ne surtout rien s’interdire. S’affranchir du regard des autres, s’affirmer, vivre libre, sont des thèmes bien ancrés dans la musique d’aujourd’hui et EGO s’en fait le porte-parole. Une prise de position forte développée dans TINY BRAIN, une chanson pédagogique sur la question du consentement. Le titre déploie une boucle synthétique entêtante portée par une rythmique pesante, lourde, lourde… si lourde… ‘Relou’. C’est précisément l’un des thèmes développés par le trio sur ce morceau, celui de ces ‘cerveaux minuscules’ qui s’arrogent le contrôle du corps des femmes. Le texte, d’une simplicité désarmante, est conçu pour être facilement compréhensible par n’importe quel forceur : ‘My ass is not a cake / My body’s not a game / A smile is not a call / Respect me / Don’t touch me‘. Un hymne à diffuser dans toutes les salles de concert et les festivals de France.
Treaks n’aura donc pas mis beaucoup de temps à se placer du côté des groupes dits ‘engagés’, pour qui la musique doit être un messager. Rien d’étonnant donc à repérer dans les sources d’influence des trois Nantais des avant-gardistes comme The Psychotic Monks, We Hate You Please Die ou Ada Oda, grands vecteurs de harangues politiques. Un propos tissé également dans ANATOMY LESSON où, après avoir énuméré toutes les parties de son corps, Clothilde réaffirme l’évidence : ‘This is my body / Not yours / Not yours‘. Les halètements de respiration, les cris glaçants, la rythmique ultra tendue et le texte frontal, viennent nous cueillir au creux de l’estomac et illustrer encore un peu plus les intentions. Une fois les choses mises au point, le ton devient plus que grinçant dans le sombre SMILING, et surtout dans BLOOD FAMILY sur lequel Treaks interroge notre rapport à la famille toxique, premier cercle de frustrations, petites vexations en tous genres, à travers un morceau froid et dérangeant.
Pourtant, c’est bien d’un album lumineux dont il est question ici. Certes EGO est brutal, insolent, mais derrière les déferlantes noisy du trio se cache une grosse dose de second degré et, en toile de fond, une folie douce contagieuse qui suscite une adhésion totale. Impossible de ne pas se laisser emporter par la puissance des nantais et le charisme de Clothilde, qui condense en quelques mots, sur le final éponyme, tout l’esprit de ce premier album espiègle et important : «’I’m so attractive with my sunglasses / Have you ever seen a woman like this ? Impossible, the world is at my feet‘. Prosternons-nous !
Photo : Marine Bouteiller
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