Tramhaus – ‘The First Exit’

Tramhaus – ‘The First Exit’

Album / Subroutine / 20.09.2024
Post punk

La pochette de The First Exit, le premier album de Tramhaus, montre une toile représentant un ciel bleu parsemé de nuages blancs, déchirée en son milieu et, émergeant de la brèche, une jambe nue ; le message est clair : le voile des illusions s’ouvre pour laisser surgir le réel dans toute sa nudité et crudité. En ce sens, cet artwork est très révélateur des intentions du groupe depuis 2022 et la parution de ces premiers singles ravageurs, I Don’t Sweat et Karen is a Punk, à savoir produire ce que l’on appellera faute de mieux un post-punk très accrocheur du point de vue des mélodies, souvent rugueux dans le chant, et toujours très sec, mat et ferme dans le son. Ce qui est assez frappant avec Tramhaus, et qui explique sans doute son succès, c’est l’absence non seulement de fioritures inutiles, mais également de raideur rébarbative propre au genre musical frayé : sa forme – dont la rigueur n’étouffe jamais ses agréments – permet de révéler l’âpreté d’une situation sociale que regardent droit dans les yeux, sans faiblir, Julia Vroegh (basse), Lukas Jansen (chant), Nadya van Osnabrugge (guitare), Micha Zaat (guitare) et Jim Luijten (batterie). Directe sans être frontale, la formation de Rotterdam l’est, et ce n’est pas le moindre de ses talents.

On attendait donc depuis un certain temps la sortie de leur premier album, et on calmait notre impatience en sachant que celui-ci allait marquer une rupture avec les titres rodés sur scène depuis de long mois et parus sur différents EPs, usés par beaucoup jusqu’à la corde. Rentrer en studio impliquait, pour les Néerlandais, d’enregistrer un tout nouveau matériel et d’écrire ce faisant un nouveau chapitre de leur histoire commune. Pour le public, cela promettait de ne pas se retrouver devant un énième disque dont plus de la moitié du contenu est déjà sortie en amont sous la forme de singles ce qui, par les temps qui courent, tient visiblement de la rareté. Encore fallait-il que les nouveaux morceaux tiennent la route et, de ce point de vue, nous ne sommes pas déçus. Pas véritablement surpris non plus concernant la direction musicale prise, d’ailleurs : on établit facilement la continuité entre le présent et le passé, mais on voit bien également la plus grande aisance de Tramhaus à introduire dans sa musique plus de tension, libérée régulièrement dans des refrains rageurs et fédérateurs (‘No Smile, No Cry, No Desire’, dans Once Again, c’est tout bonnement imparable). Il y a des mid-tempos dans la lignée de Make it Happen (Once Again, Beech), des brûlots punk qui n’en finissent pas de monter en puissance (The Cause, phénoménal, Ffleur Hari, furieusement engagés et délivrant une percutante synthèse de notre époque : ‘Waste, Destruction, Violence, Drugs, Sedative, Silence, Looooove !’), un concentré de sensualité d’autant plus marquée que la voix s’amuse à la contenir, mais de toute évidence sans grande conviction (Semiotics), du post punk nerveux à la manière du Parquet Courts des débuts (The Big Blowout) ou froidement mélodieux à la façon d’Interpol (l’étonnant et très réussi dernier morceau, Past Me).

Comme ils se plaisent à le dire eux-mêmes en interview, les cinq de Rotterdam débordent le carcan devenu assez étroit du post-punk pour s’imposer comme un véritable groupe de rock. Leur frontman, Lukas Jansen, y est certes pour beaucoup, lui dont l’ardeur et la présence magnétique sur scène transcende régulièrement les performances de son groupe, et qui montre sur disque toute l’étendue de ses possibilités vocales ; mais les autres musiciens, avec l’efficace sobriété qui les caractérise, parviennent à fixer un cadre à cette boule d’énergie, révélant par là-même, en la canalisant, sa remarquable intensité. C’est donc sans esbroufe mais avec une forte conviction que Tramhaus accomplit, avec ce premier album, une première sortie qui a des allures d’épreuve de vérité, vibrante et saisissante, bien éloignée, en ce sens, des tricheries et compromissions qui font notre actualité.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
The Cause, The Big Blowout, Ffleur Hari, Past Me

EN CONCERT

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