10 Nov 22 Tom Skinner – ‘Voices of Bishara’
Album / Brownswood / 04.11.2022
Jazz contemporain
Il y a tout juste un an et demi, le travail de Tom Skinner – aussi connu sous le pseudo de Hello Skinny – émergeait de la scène jazz londonienne pour toucher un plus large public en s’associant aux noms prestigieux de Thom Yorke et Jonny Greenwood, échappés de Radiohead, pour former le sardonique trio The Smile. Un album et une tournée européenne plus tard, c’est dans ce court laps de temps laissé avant le début de la tournée américaine que le batteur des désormais regrettés de Sons Of Kemet a choisi de publier un EP, concocté en toute discrétion au fil de ces derniers mois.
Fidèle à ses obsessions jazz et expérimentales, il dévoile ainsi six morceaux aux allures de jam infernale et inspirée, à la fois mystique et terrienne. Dans une esthétique contemporaine portée par des thèmes et des ostinatos aussi minimalistes que percutants, Tom Skinner s’amuse à développer des rythmiques savantes captivantes où son jeu organique et précis s’exprime pleinement. En misant sur la dimension poly-rythmique du projet, il propose des références mélodiques qui tendent vers l’orient avec des modes de jeu aussi variés qu’expressifs. Entouré de Tom Herbert (contrebasse), de Kareem Dayes (violoncelle) et de Nubya Garcia (saxophone, flûte), il retrouve également son prolifique et fascinant ancien comparse de Sons Of Kemet, Shabaka Hutching, ici au saxophone et à la clarinette basse. Librement inspiré par plusieurs figures iconoclastes du jazz américain (le violoncelliste Abdul Wadud et le batteur Tony Williams, entre autres), Tom Skinner s’est emparé des techniques de montage et de collage d’univers plus électroniques pour proposer près de trente minutes d’une musique intense et passionnée, fruit d’un travail studio basé sur la captation d’une session live.
Le disque s’ouvre ainsi sur le paisible Bishara, une ‘bonne nouvelle’ peu à peu tourmentée par les effluves free des deux saxophonistes et les larges glissandos des cordes, une utilisation de ces dernières qui n’est pas sans rappeler – est-ce bien là un hasard – l’écriture orchestrale de Jonny Greenwood. Avant de rejoindre l’exaltant, lumineux et pointilliste The Journey, il faudra d’abord passer par le sombre et lancinant Red 2, tiré justement d’un morceau de Tony Williams, avec son thème menaçant et sa flûte cherchant une échappatoire à cette ambiance lourde et pénétrante. The Day After Tomorrow, plus abstrait et hermétique, propose un axe clivant vis-à-vis de la dynamique globale tandis que Voices (Of The Past) convoque lui brillamment le spectre étonnant du hip-hop old-school, avec ses samples de disques poussiéreux et ses boucles hypnotiques. Enfin, Quiet As It’s Kept offre, après des débuts tournés vers le swing, une conclusion contemplative et onirique à ce beau voyage. Un périple qui donne envie de retourner illico dans ce pays imaginaire où les bonnes nouvelles comme les géniales trouvailles musicales sont légion.
A ECOUTER EN PRIORITE
Bishara, The Journey, Voices (Of The Past)
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