
09 Oct 23 Timber Timbre – ‘Lovage’
Album / Two Gentlemen / 06.10.2023
Indie pop folk
Chez Timber Timbre, la discrétion semble toujours avoir été de mise. Des deux premiers albums encore aujourd’hui plutôt confidentiels – même si réédités cette année – au remarquable diptyque d’EP publié au printemps 2021, rien n’est vraiment pourtant superflu dans la discographie des Canadiens. Pas même le plus synthétique et très 80’s Sincerely, Future Pollution, successeur d’une trilogie idéale (Timber Timbre, Creeping On Creepin’ On, Hot Dreams) délivrée entre 2009 et 2014. Taylor Kirk, puisque c’est bien de lui dont on parle lorsque l’on mentionne ce projet au titre virelangue, a bien mis depuis ses débuts de l’eau pop dans son vin folk, mais ce avec une classe impériale et un goût certain. Celui qui envisagea un temps de faire carrière dans le cinéma semble avoir trouvé en la musique le moyen de générer des images, des plans, des séquences capables de nous raconter bien des choses au-delà des sons et des mots. Toujours accessible, la musique de Timber Timbre est parsemée de détails et d’intentions qui font justement toute la différence vis-à-vis d’autres formations du même acabit. Avec cette voix pénétrante, inimitable, ses arrangements singuliers et des structures souvent bien plus alambiquées qu’elles ne semblent l’être.
Sur ce nouvel album, c’est un véritable retour aux sources qui s’opère. Ou plutôt une transformation, par son expérience et son parcours, de ses obsessions d’origine. Le disque s’affirme alors comme une déclaration d’amour à la pop sucrée des sixties, toujours cependant teintée de noir, quelque part entre les Beatles, les Doors et Leonard Cohen. Tour à tour macabres ou plus légers, carnavalesques ou timorés, les huit morceaux de ce Lovage offrent à l’auditeur un refuge musical bienvenu, à l’abri des regards, empreint de lucidité et de noirceur mais aussi d’espoir et de lumière. Une vision toute en contraste dont le ton est donné dès le titre d’ouverture, Ask The Community, avec ses questions funestes et sa réponse encore plus glaçante (‘Do yo wanna see a dead body? Don’t you wanna see a dead body? Ask the community’). Passé ce premier acte formé avec Mystery Street, la plupart des nouveaux titres optent eux pour la douceur conférant parfois à d’obsédantes berceuses (Stops, Holy Motors, Lovage), avançant lentement et à pas feutrés, comme dans l’intérieur impersonnel à l’éclairage tamisé visible sur la photographie illustrant la pochette. Mais il y a aussi – et peut-être surtout – de remarquables parenthèses esthétiques, cohérentes et réussies. On pense bien-sûr au doux-amer Sugar Land qui parle de l’addiction aux sucreries dont a souffert le propre père du songwriter, mais aussi du romantique Confessions Of Dr. Woo déroulant une trame de film noir rappelant la musique française des sixties (Alain Goraguer, Francis Lai ou Gainsbourg en tête) avant d’effectuer un virage envoûtant dans sa seconde partie, le charme vénéneux de son prologue laissant place à une jam savoureuse et hypnotique. Et puis comment ne pas évoquer l’instrumental et intriguant 800 Pristine Corpses, avec son piano au rythme brisé en trois pour deux et ses variations minimalistes que ne renierait pas Philip Glass ? Un bijou d’émotion suspendu dans le temps, dans l’espace, et dans la discographie du groupe.
On pourra toujours reprocher au canadien sa vision un poil proprette de ce que doit être un morceau ou un disque, comme en témoigne la durée plutôt concise de ce volume (trente-trois minutes au compteur) contrebalancée par la qualité indiscutable de sa production. Pourtant, tout ces éléments ne font que confirmer ce que nous savions déjà : Taylor Kirk, en plein possession de ses moyens et définitivement maître de son art, demeure l’un des crooners et musiciens canadiens les plus convaincants de sa génération. Et ce, qu’elle soit choisie ou bien subie, toujours en toute discrétion.
A ECOUTER EN PRIORITE
Stops, Confessions of Dr. Woo, 800 Pristine Corpses, Holy Motors
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