06 Avr 23 Tickles – ‘Ticklesx7’
Ep / A Tant Rêver du Roi / 07.04.2023
Noisy post punk
Tickles ne chatouille pas l’auditeur, comme le nom du groupe semble l’indiquer, il le saisit plutôt au col pour lui coller une série de mandales bien brutales. Ça chante et ça joue fort, sans jamais baisser le rythme, mais en faisant preuve de suffisamment d’inventivité et d’humour pour éviter que la formule punk/noise ne s’enferme dans une frontalité bornée. En 2020, les nantais sortaient un tonitruant premier EP, I love You Paul, pour récidiver en 2022 avec le second, TicklesTicklesTicklesTicklesTickles. Ce dernier, doté d’un titre décourageant définitivement sa citation, était jusqu’alors disponible soit en format numérique, soit en CD vendu à prix libre lors des concerts. Il est à présent édité en vinyle par le label A Tant Rêver du Roi, et affiche très clairement les ambitions du groupe.
Théo Brachet à la guitare, Anton Brachet à la batterie, Lucas Fleurance à la basse et Lucas Bonfils – également chanteur-guitariste des internationalement connus Mad Foxes – présentent avec panache six titres dévastateurs, malmenant méthodiquement l’auditeur en recherche de sensations fortes. Les compositions, mieux structurées que par le passé, présentent également des refrains plus percutants et accrocheurs, et varient habilement les effets d’agressions sonores. On n’est pas très loin de Idles lorsqu’il s’agit d’associer le pilonnage rythmique à la stridence des guitares. La voix rappelle d’ailleurs celle de Joe Talbot, non pas dans son timbre ou sa tessiture, mais par sa façon de hacher les mots afin d’insuffler à chacun une énergie propre. Cold Blood Strange Love, premier et peut-être meilleur morceau de l’EP, montre bien comment cet usage percussif du chant parvient à amplifier l’efficacité déjà redoutable des autres instruments. Elephants et surtout P.O.V, particulièrement fédérateurs, enfoncent ce clou qui, en l’occurrence, ressemble plutôt à un bon gros poteau.
Mais que l’on ne s’y trompe pas, ce rapprochement Idles/Tickles n’est pas réducteur : les nantais sont suffisamment malins pour imposer leur propre originalité en combinant à des influences Post Hardcore assez marquées un sens certain de l’autodérision. Le clip de Paper Planes, joyeusement foutraque, illustre bien cette propension du groupe à alléger son propos et sa musique par un dosage subtil de l’humour, ce qui ne signifie pas pour autant s’installer dans une approche superficielle popularisée, notamment, par beaucoup de groupes américains des années 90/2000. On sent bien, au contraire, que Tickles associe le fait d’être drôle avec le souci de générer de la chaleur humaine. Sur scène, cela est manifeste : Lucas Bonfils a cette gauche élégance et cette manière de sourire qui abolit la distance avec le public et permet au concert d’être une expérience collective. Le but, c’est quand même le pogo, mais du pogo joyeux qui pousse à regarder autour de soi. Et c’est d’ailleurs une caractéristique du Punk, du Noise ou du Post-Hardcore contemporains que de ne plus être simplement un exutoire, une affirmation nihiliste, ou une harangue politique, mais bel et bien un moyen d’éprouver directement et immédiatement toute la richesse du lien social. On hurle et on fait exploser les amplis pour se libérer de tout ce qui entrave au quotidien afin d’expérimenter à nouveau une forme bienveillante et enrichissante d’unité avec les autres.
Tickles incarne donc, ici et maintenant, cette aspiration à chanter fort, à jouer fort pour, salutairement, se dégager des artifices de l’époque. On finissait par l’oublier, mais les nantais nous le rappellent : sous les pavés, la plage nous attend.
A ECOUTER EN PRIORITE
Cold Blood Strange Love, P.O.V., Paper Planes
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