24 Sep 24 The Waeve – ‘City Lights’
Album / Transgressive / 20.09.2024
Kraut folk rock
C’est en 2005 que Rose Elinor Dougall, la chanteuse de The Pipettes, rencontre Graham Coxon, le guitariste de Blur, mais il leur faudra dix-huit ans pour les voir accoucher d’une première et étincelante collaboration artistique sous le nom de The Waeve. L’album éponyme, salué à juste titre par la critique et le public en 2023, est suivi aujourd’hui par City Lights, qui confirme avec éclat les multiples talents du duo et surpasse brillamment son prédécesseur, lequel avait pourtant placé la barre très haut. Avec le très en vogue James Ford (Fat Dog, Fontaines DC, The Last Dinner Party…) à la production, lequel multiplie avec brio les œuvres phares de 2024, ce nouvel opus voit sa richesse mélodique enveloppée de sonorités ciblant subtilement le tout début des années 80, ce qui a l’avantage de le doter d’une personnalité singulière, séduisante dans son étrangeté même.
Dès l’entame, le titre éponyme nous ramène au Scary Monsters de David Bowie, la façon de chanter comme les textures de guitares faisant ressurgir le spectre de Pierrot affranchi de la froideur du Thin White Duke. Sur Moth To The Blame, un peu plus loin, ce sont les gémissements électriques qui éveillent des souvenirs de Station To Station, tandis que la voix de Coxon reprend les manières de Gary Numan. Autre influence marquante, surtout dans la manière de faire sonner le saxophone comme une trompette mutante : Cate Le Bon. James Ford, sur You Saw, retrouve les ambiances glacées des deux derniers albums de la chanteuse galloise, Pompeii et Reward, que la voix de Rose Elinor Dougall s’applique toutefois à réchauffer délicatement. Mais, même si la basse vrombissante et les guitares mordantes de Broken Boys baignent à nouveau dans l’esthétique inquiétante des débuts du post punk, qu’on n’en vienne pas à conclure que City Lights se réduise à un pur et artificiel exercice de style. La qualité des compositions du couple, bien au contraire, donne une âme à cet album, et explique que l’on soit très vite enivré par cette succession de mélodies impeccables, régulièrement sublimes. C’est le cas, notamment, avec les très belles ballades qui le composent : celle, languissante, chanté par Graham Coxon, I Belong To, ou celle, magnifiée par la voix de sa compagne, Simple Days, idéal pour assister à un coucher de soleil, sur fond de notes liquides de guitare. D’ailleurs, l’intérêt pour le jeu des références s’estompe en milieu d’album, même si Druantia laisse affleurer les accents Krautrock entendus chez Beak. On ne songe plus alors qu’à se laisser aller aux invitations au voyage de Song For Eliza May ou Girl Of The Endless Night : la première, avec ses envoilées de cordes, finit par acquérir une dimension cosmique assez saisissante, et la seconde, enracinée tout d’abord dans un folk traditionnel, traverse le temps pour étreindre la beauté du présent. La dramaturgie de ces derniers morceaux a beau être complexe, elle n’en reste pas moins d’une lisibilité parfaite grâce, notamment, à l’ampleur mélodique du chant, et acquiert par là-même une dimension véritablement cinématographique.
The Waeve, avec City Lights, explore un passé musical avec les moyens techniques du présent, et atteint de cette façon une forme d’intemporalité. Tout d’abord marqué par le clair-obscur de la New Wave, l’album accomplit insensiblement mais sûrement son chemin vers la lumière, et Sunrise, le dernier morceau, semble illustrer à la perfection ce que disait Henry David Thoreau de l’aurore : ‘L’homme qui ne croit pas que chaque jour comporte une heure plus matinale, plus sacrée, plus aurorale qu’il n’en a encore profanée, a désespéré de la vie et suit une voie descendante, de plus en plus obscure‘.
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