08 Avr 18 The Voidz – ‘Virtue’
Album / Cult Records / 30.03.2018
Rock 80’s expérimental
On le sait, les Voidz sont désormais le nouveau terrain de jeu de Julian Casablancas, son champ de tous les possibles, et par définition celui qui lui a cruellement manqué durant sa carrière au sein des Strokes. Avide d’expérimentations, l’américain peut désormais laisser libre cours à ses idées les plus extravagantes et nourrir de nouvelles ambitions. Cependant, et même si on comprend qu’il veuille se détacher d’un passé qui lui colle un peu trop à la peau, il est parfois compliqué d’arriver à le suivre. Non pas que le type soit déjà loin devant tout le monde, plutôt qu’il ne semble pas toujours savoir lui même où il va. Chacune de ses nouvelles sorties apparaît comme une forme de caprice, comme un doigt d’honneur à l’encontre de tous ceux qui souhaiteraient le cantonner aux succès et à l’image de ses débuts. Qu’importe puisqu’il semble indéniablement exister en nous une curiosité et une admiration qui nous pousseront éternellement à suivre les moindres faits et gestes de ce garçon tant il a toujours transpiré une certaine forme de génie.
Deuxième tour de chauffe donc pour Casablancas et ses acolytes de The Voidz qui avaient publié en 2014 leur tout premier album, le très dense Tyranny, un disque totalement incompris mais qui ne manquait véritablement pas d’audace. Les voilà désormais de retour avec Virtue, qui ne cache pas vraiment son objectif premier : réexpliquer et réhabiliter la démarche artistique de ses auteurs, et effacer le coté laborieux de son prédécesseur. Et c’est bien là tout le problème tant ce cru 2018, trop lissé et poli pour mieux être compris, semble avoir perdu toute l’essence qui caractérisait The Voidz. La production est moins courageuse, les compositions moins abouties, et dès la première écoute on demeure perplexe, amusé, songeur, pour finir par se demander assez rapidement ce qu’on fout là. Tyranny exprimait la rage et la colère, son successeur se satisfait lui d’expérimentations moins franches. Non pas que le disque manque d’idées, au contraire il s’en étouffe. Tout ici ressemble à une posture, et ce ne sont certainement pas les coupes mulet et les tenues 80’s qui y changeront grand chose. C’est triste à constater, mais Virtue est une preuve, s’il en fallait une, que le merveilleux songwriting de Casablancas ne peut s’exprimer et fonctionner que lorsqu’il est seul aux commandes du navire. D’ailleurs, lorsqu’il laisse plus de places aux autres membres du groupe, l’impact et la profondeur de la musique s’estompe, et lui se perd totalement dans ce foutoir, cherchant à la jouer tantôt Ariel Pink, tantôt Black Sabbath, alors qu’il y gagnerait surement à rester lui-même.
Dans ce tableau noir apparaissent quand même quelques morceaux notables comme Leave It In My Dreams et All Wordz Are Made Up dont la production lissée leur confère naturellement leur rang de singles. Aussi basique soit-il, le titre Think Before You Drink fait office de respiration dans cet amas bordélique, et nous rappelle à quel point la voix de Casablancas peut toucher en plein cœur même quand elle est dénuée d’artifices. Ce titre est d’ailleurs probablement l’un des morceaux les plus touchants du disque, à ceci près que c’est une reprise de Michael Cassidy et non un titre original. Pour conclure, My Friend the Walls fait figure de véritable exception tant il brille par sa cohérence et son refrain efficace, des qualités bien trop rares ici. Bien que globalement raté sur le plan musical, l’album l’est moins concernant le propos. Virtue est un disque de protestation comme l’était son grand frère Tyranny, et c’est d’ailleurs la seule chose que les deux opus ont en commun. Casablancas consolide ici son propos et continue d’asséner ses discours sur les inégalités sociales, sur l’administration Trump (We’re Where We Were), contre le capitalisme, et attaque frontalement le formatage de la musique pop en général (Permanent High School).
Mais Virtue reste un disque très incohérent, qui manque de fédérer. Une œuvre qui se voulait éclectique mais qui vire totalement à l’indigestion. Rendre une musique plus accessible n’est pas forcément la rendre plus convaincante, et les Voidz en font parfaitement la démonstration ici. Ce qui est sûr, c’est que leur musique semble naturellement polarisante. Bien que beaucoup aient été rebuté par Tyranny en 2014, l’album ne manquait pas d’allure et d’ambitions à une période où son pessimisme ne collait pas exactement à la température politique du moment. Peut-être qu’aujourd’hui, avec l’Amérique de Trump, le meilleur conseil que nous pourrions vous donner serait d’y jeter à nouveau une oreille plutôt que de vous attarder sur Virtue.
A ECOUTER EN PRIORITE
Leave It In My Dreams, ALieNNatioN, One of the Ones, All Wordz Are Made Up, Think Before You Drink, My Friend the Walls
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