02 Fév 18 The Soft Moon – ‘Criminal’
Album / Sacred Bones / 02.02.2018
Musique pour fin du monde
Sensiblement éloigné de l’image de corbeau blessé qu’on lui prête un peu par facilité – disons que ses morceaux ne vont pas dans le sens contraire – Luis Vasquez est en fait un type plutôt… jovial. C’est du moins l’impression qu’on s’est faite en allant directement le rencontrer pour la sortie de son quatrième album sous le blaze The Soft Moon (l’interview se lit là). Bien sûr, l’homme n’est pas non plus un modèle de sérénité intérieure. Mais cette facette s’adosse à un vrai sens de l’humour et une cordialité désarmante. Bref, le mec n’est pas un monolithe de tristesse et de désespoir. Comme la plupart d’entre nous, vous me direz.
Si j’enfonce les portes ouvertes, c’est parce que les choix qui façonnent Criminal posent question. A trop appuyer là où ça fait mal sans jamais relâcher un instant la pression, Luis Vasquez rend ses doutes et sa colère (comme sur le titre Like a Father dirigé contre son père qui l’a abandonné) au mieux inaudible, au pire comique. Et 40 minutes, c’est long sans temps mort. L’espace sonore est saturé de tous les côtés de kicks assassins, de claviers stridents, de cris batcaves et de riffs heavy (à l’exception peut-être de Give Something plus doux). Et ce qui pourrait fonctionner sur un format EP – envoyer ‘la sauce’ sans relâche pour abasourdir l’auditeur – finit ici par épuiser complètement. On repense aux grands disques malades dont Vasquez s’est certainement inspiré pour créer le sien (Pornography, In Utero, Closer…). Sauf que leurs auteurs ont en commun d’avoir su équilibrer leurs effets pour parvenir à un résultat vertigineux. Il aurait peut-être suffit sur Criminal d’insérer stratégiquement des passages plus ambient ou dépouillés dans l’espoir d’offrir quelques respirations et donner un véritable relief à l’ensemble. Parce que, hé, pour s’écraser au sol il faut bien s’élancer de plus haut.
Dommage car pris séparément – on peut même dire ‘démontés’ – les morceaux enfoncent dans un vrai trouble avec leur brassage cohérent de cold wave, de techno et de musique industrielle. Prenons comme exemple le beat lourd de ILL qui s’écrase sur la mesure répétitive d’un clavier à contretemps. Ou encore les percussions tribales qui se superposent au rythme binaire de Choke, ou encore l’atmosphère d’annihilation totale concluant le plus nuancé Criminal.
Alors n’imaginez pas que Criminal, l’album, est un gros plantage. J’imagine que vous l’avez déjà écouté avant de lire ces lignes ou que vous vous apprêtez à le faire. Simplement, il ne fonctionne à mon avis pas comme album pour toutes les raisons évoquées plus haut. Mais réduit à ses parties, son ambition fonctionne. De toute façon, qui est encore là pour écouter des albums en entier ? (A part nous, journalistes bienveillants).
A ECOUTER EN PRIORITE
Choke, Like a Father, ILL, Criminal
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