The Ocean – ‘Holocene’

The Ocean – ‘Holocene’

Album / Pelagic / 19.05.2023
Post metal trip hop

The Ocean s’apparente au projet de toute une vie pour Robin Staps. Dès Fogdiver sorti en 2003, le guitariste – également patron du label Pelagic – a très vite su imprimer une forte identité à sa progéniture. Aussi, s’immerger dans la discographie des Berlinois constitue en soi un véritable périple, à la fois original et intrigant, tant chaque album déroule son propre concept, que ce soit au travers des textes et des artworks minutieusement élaborés, ou du fil narratif. Rien d’étonnant donc à ce que leur post-metal – sans doute tiré par une soif de dépasser leurs influences hardcore originelles – s’en soit doucement allé flirter avec la scène prog rock/metal sans pour autant jamais complètement l’embrasser. Le combo ne goûtant que très peu les principes de stagnation et de répétition, il fallait forcément s’attendre à un énième rebondissement avec Holocene.

Et autant dire que les oreilles restées figées à l’époque plus sludge de Fluxion (2004) ou Precambrian (2007) en auront pour leurs frais. Car ici, le trip hop de Massive Attack imprègne ouvertement l’ensemble : en effet, même si Staps reste le cerveau de la bande, une fois n’est pas coutume, Peter Voigtmann (synthés) se trouve être à l’origine des premiers embryons d’idées derrière chaque morceau. Cette alliance singulière entre froideur électronique et lourdeur métallique pourrait de prime abord sembler indigeste – voire contre-nature pour certains – mais il n’en est rien, au contraire : elle est intelligemment dosée et participe aux variations de dynamiques. L’alternance entre passages planants et riffs massifs sur Boreal et Atlantic va même jusqu’à rappeler l’excellent Fear of A Blank Planet de Porcupine Tree.

Autre changement notable : pour la première fois, le chant de Loïc Rossetti penche plus du côté clean qu’hurlé, certains phrasés nous évoquant même Maynard James Keenan dans Puscifer (Preboreal) ou encore Trent Reznor (l’intro de Sea of Reeds). Mais le Suisse ne se fait pas prier pour ressortir sa voix caverneuse dès Atlantic, quatrième titre et véritable point de bascule d’Holocene du côté heavy de la force. La chanteuse norvégienne Karin Park (Årabrot) est également mise à contribution et vient poser sa voix classieuse sur Unconformities pouvant d’ailleurs se targuer d’avoir le final le plus brutal de tout l’album. Quant aux cuivres, ils viennent – de manière plus marquée que jamais – littéralement envelopper les huit titres et y ajouter une certaine touche cinématographique.

Niveau thématique, Holocene gravite autour de l’ouvrage La Société du Spectacle de Guy Debord datant de 1967, et qui – des propres mots de Staps – revêt un caractère prophétique au vu de l’omniprésence des images sur les réseaux sociaux et de leurs conséquences sur notre monde moderne. Il suffira de se plonger dans le magnifique livret accompagnant le disque pour réellement apprécier la manière dont le berlinois est parvenu à disséquer et s’approprier divers sujets traités par Debord.

Bien que les sonorités trip hop ne soient pas complètement nouvelles chez le groupe allemand – en particulier sur son précédent LP Holocene a de quoi surprendre, et même dérouter, à la première écoute. Mais, comme tout album qui s’apprête à marquer les esprits sur la durée, celui-ci révèle progressivement toutes ses qualités au fil des écoutes. Car on tient là l’oeuvre la plus orchestrale, la plus contrastée et peut-être – le temps nous le dira – la plus addictive de The Ocean. Tous les efforts d’écriture et de production – près de deux ans de travail et d’innombrables mixages tests – auront fini par payer : Holocene clôt une trilogie complétée par Precambrian et Phanerozoic I & II, et on se demande déjà ce que nous réserve l’avenir…    

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Sea of Reeds, Subatlantic, Preboreal, Unconformities


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